Les désirs, les attentes ou simplement les besoins des personnes – et plus particulièrement quand celles-ci sont des patients – devraient pouvoir trouver satisfaction sans être récupérés ni instrumentalisés. Nous en sommes malheureusement loin dans notre pays des Droits de l’homme.
Certains hommes ou femmes requièrent parfois des soins alors qu’ils n’en ont pas même conscience et ne sont donc pas en état d’y consentir. C’est la justification des soins sans consentement prévus par le Code de la santé publique. Il s’agit d’une modalité de prise en charge qui doit être la plus brève possible, le consentement devant être activement recherché. « Lorsque l’état d’une personne faisant
l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement le permet, une transformation générale de la mesure en soins libres doit être recherchée »1.
Les pouvoirs publics, soucieux de quantifier ce type de soins, ont décidé de recueillir les données personnelles correspondantes. Un décret2 pris en Conseil d’État est donc venu remplacer, et étendre derechef, les dispositions en vigueur3. La Direction générale de la santé explique que cela était nécessaire et ne changeait rien au fond.
Mais alors pourquoi ce recueil nominatif, fondé sur la seule modalité de soins et non sur une dangerosité, est-il transmissible à des fins de sécurité intérieure ? Pourquoi les patients ne peuventils toujours pas faire valoir leur droit d’opposition au recueil des données personnelles dans ce fichier ? Pourquoi devoir être soigné se transforme-t-il en être recensé sur une liste d’hospitalisés sous contrainte considérés comme possiblement dangereux ?
N’est-ce pas la même mise sous contrôle qui est exercée à l’encontre des bénéficiaires des aides sociales ? La légitimité des demandes de soutien médico-psychologique, de congé maladie ou simplement de temps partiel est facilement mise en doute, alors même qu’il s’agit de droits reconnus et institués. Là aussi, on fiche et on suspecte.
Avoir besoin de soins psychologiques sans en avoir les moyens financiers justifie que l’on demande un remboursement des consultations auprès d’un psychologue. Mais pourquoi cela impliquerait-il un passage obligé par un médecin ? Là encore, c’est un manque de confiance dans l’individu !
L’accès à la solidarité nationale, quand cela est nécessaire et que le professionnel à qui on s’adresse confirme une difficulté, une souffrance, un mal-être, doit être un droit. Au lieu de cela, ceux qui en font usage sont catalogués, soupçonnés d’abus, montrés du doigt.
Respecter les personnes n’est pas trop demander.
Il en va de l’orientation générale de notre société. Si la suspicion est la règle, comment peut-on espérer une civilisation plus inclusive ? Marcherions-nous sur la tête ?
Nous, psychologues, nous ne pouvons laisser faire.
L’exercice même de notre profession est fondé sur le respect de chacun : « Le psychologue reconnaît et fait respecter la personne humaine dans sa dimension psychique, que l’individu soit pris isolément ou collectivement »4.
C’est ce que le SNP continuera à faire entendre pour que tous soient pleinement respectés.
JACQUES BORGY, Sg
le 10 juin 2018
1 Fiche mémo HAS mars 2018
2 Décret n° 2018-383 du 23 mai 2018 autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans
consentement
3 Arrêté du 19 avril 1994 relatif à l’informatisation du suivi des personnes hospitalisées sans leur consentement en raison de troubles mentaux et au secrétariat
des Commissions départementales des hospitalisations psychiatriques
4 Proposition de Code de déontologie légalisable (CFDT-SNP-Yan Durmarque, avril 2014) article 2.
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