Edito 254 : Le pouvoir au patient

« Qu’un système produise un effet de découragement ne veut pas dire que tout le monde soit découragé1 »

 

 

La psychiatrie est un système dans lequel bon nombre de soignants vont mal et où les personnes accueillies ne se sentent globalement pas bien. Mais elle peut être aussi le lieu d’innovations et de mieux-être. Ce numéro vous fait parcourir divers lieux de soins et vous emmène à la rencontre du mal-être, de la résistance, de l’analyse et de l’inventivité de psychologues au coeur de la psychiatrie.


La psychiatrie, ses soignants et ses patients souffrent mais « soyez et soyons optimistes, il y a des choses qui sont en train de se transformer dans le système de santé français. On va être obligés de toute façon d’assister à cette transformation, soit nous sommes spectateurs, soit nous sommes acteurs »2. Effectivement des changements sont en cours, des bouleversements même, depuis que les patients prennent la parole et qu’ils ne sont plus dans une servitude volontaire au pouvoir médical. L’Assurance maladie elle-même constate que la relation du malade avec l’ordonnance du médecin change et que la prescription n’est plus suivie à la lettre. « Le médecin prescrit bien son ordonnance mais le malade va revisiter cette ordonnance, il va l’aménager, en fonction de ce qu’il ressent lui-même »3. Les programmes d’éducation thérapeutique des patients ne peuvent plus se contenter d’éduquer à l’observance des traitements et deviennent des programmes de coconstruction d’une démarche de soins. L’accès pour tous à une documentation variée par internet contribue également à ce changement. Les patients ne sont plus seuls, ils échangent entre eux, ils pensent leur souffrance, ils réfléchissent leurs soins.
Les psychologues ont un rôle important dans ce changement de paradigme du système de soins. Ils sont formés à l’écoute de la personne et sont, au sein des équipes de psychiatrie -comme dans tous les champs d’exercice- les professionnels du soin psychique des personnes. Ils travaillent depuis longtemps avec le pouvoir d’agir (empowerment) de ceux qui les consultent car ils savent que seul le patient peut connaître son mal et les conséquences de celui-ci sur sa vie.
C’est ce mal-être psychique qui motive les personnes à s’adresser aux psychologues et ce d’autant plus facilement que l’accès, tant dans un service public qu’en ville, en est libre. Elles attendent moins longtemps avant de consulter que quand elles doivent passer par une prescription préalable.
Ces constatations4 sont en adéquation avec les exigences du SNP : un accès direct facilité aux consultations de psychologues. Nous l’avons rappelé dans une pétition en ligne qui a recueilli plus de 6000 signatures. « Il faut pour que l’empowerment produise ses effets qu’il s’inscrive dans un cadre de protection sociale et de règles du jeu équitables »5. Nous sommes plus que jamais persuadés que professionnels du soin psychique et patients réunis doivent exiger du système de santé français qu’il prenne en compte la révolution en marche. Les patients aussi savent ce qui est bon pour eux.

 


JACQUES BORGY, Sg
Paris le 5 février 2018

 

1 Jacques Rancière, En quel temps vivons-nous ? La fabrique éditions (2017).
2 Laurent Chambaud, directeur de l’EHESP, s’adressant aux soignants et patients assistant à la présentation des résultats d’une recherche-action sur le pouvoir
d’agir (empowerment) des patients le 25 janvier 2018 au ministère des solidarités et de la santé.
3 Josée de Félice (Association pemphigus pemphigoïdes France).

4 June SL Brown Can a self-referral system help improve access to psychological treatments? In British Journal of General Practice, Mai 2010.

5 Esther Duflo, économiste.

 

 

 

 

 

 

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