Fonction publique Etat Justice

Le Ministère de la Justice emploie des psychologues pour assurer un ensemble de missions. Seule la Protection Judiciaire de la Jeunesse s’est dotée d’un corps de psychologues titulaires, régi par un statut particulier et représenté syndicalement à la Commission Administrative Paritaire par des membres élus au titre du SNP.

Un peu d’histoire

Appelée Education surveillée jusqu’en 1990, une Direction spécifique émerge après guerre au sein du Ministère de la Justice, avec comme fondement l’ordonnance de 1945 concernant l’enfance délinquante qui lui octroie le droit à l’éducatif ; puis l’ordonnance de 1958 concernant l’enfance en danger modifiée par la loi de 1970, qui légifère sur l’assistance éducative.

Le pari, face à ces enfants, ces adolescents, puis par la suite aux jeunes majeurs, est d’œuvrer à leur éducation. Celle-ci doit articuler la nécessaire limite posée par la société dans le cas de délits voire de crimes, et les sanctions qui en découlent, avec une autre impératif de prise en compte d’un sujet unique, adulte en devenir, qui se construit et qui va devoir poursuivre son chemin avec ce qu’il a vécu et/ou fait vivre à d’autres.

Face aux actes de délinquance, face aux défaillances parentales, les réponses pénales et civiles de la société exigeant la prise en compte de la personnalité du mineur donnent lieu, au départ, au recrutement de quelques psychologues pour pratiquer des bilans dans des centres d’observations.

En 1981 un corps de psychologues titulaires est créé avec un concours élaboré et organisé au niveau national. La commission du SNP, avant même la création du corps des psychologues dans cette Direction du Ministère de la Justice, exigeait un niveau de qualification à BAC + 5; demandait un recrutement par concours sur épreuves -seule modalité pour préserver l’anonymat et l’équité de chacun à pouvoir postuler sans cooptation ou voie détournée – faisant valoir les spécificités du métier et sa déontologie.
Les modalités de ce concours ont été conçues lors d’un groupe de travail où le SNP participait afin que le maximum de garanties soit posé pour un recrutement qui soit en lien avec les aspects professionnels et déontologiques. Les psychologues qu’ils soient enseignants chercheurs, universitaires ou praticiens en interne étaient les acteurs principaux du recrutement.

Après deux concours en 1983 et 1985, l’administration va ensuite arrêter pendant dix années ce recrutement. C’est l’époque du combat sur la loi sur le titre et de la création des statuts particuliers dans les fonctions publiques.
L’engagement du SNP dans les élections professionnelles en face des grandes centrales syndicales permettra de devenir un interlocuteur, es qualité, face à l’administration au sujet des psychologues. Le SNP a une majorité de voix et des représentants élus depuis les années 80, mais il faudra plus de dix ans de lutte acharnée pour que cette administration, suite à la loi sur le titre de 1985, reconnaisse le statut particulier des psychologues en 1996.
Le recrutement va alors enfin en 1996 pouvoir reprendre avec une volonté qui va s’accentuer en faveur de l’interdisciplinarité dans l’approche de la personnalité du mineur. Les conditions et les garanties de ce travail restent cependant toujours un combat au quotidien.

Depuis, le SNP continue de défendre opiniâtrement les conditions d’exercice et les confrères en difficultés, de promouvoir la prise en compte de la spécificité du métier dans les textes administratifs, tout en menant une réflexion sur l’évolution des missions de cette institution et plus particulièrement sur celles dans lesquelles le psychologue peut ou non s’inscrire.

Le sens du travail

Face aux complexités humaines auxquelles la société se confronte voire se heurte, nul ne peut prétendre seul y apporter réponse. La P.J.J. est en première ligne des souffrances à être, parfois extrêmes, sous formes de violences multiformes contre soi et contre les autres.

Aujourd’hui l’évolution de la psychologie et du métier de psychologue est considérable et s’inscrit dans des missions elles-mêmes en mouvance d’une administration très en prise avec les changements sociaux, économiques, et les réactions politiques, face aux désordres et souffrances de l’humain.

Vis à vis des adultes de demain, le psychologue a une parole à tenir et en cela, de par ses compétences il a à être positionné dans l’institution comme un interlocuteur reconnu dans différentes missions possibles. Or le psychologue a des compétences beaucoup plus élargies que ce que l’institution lui reconnaît et qu’il doit faire valoir à tous les niveaux de sa hiérarchie.

La responsabilité du psychologue, tout particulièrement engagée dans cette pratique au sein d’une administration qui produit des « faits » et des « pièces » judiciaires, nous fait exigence d’un positionnement éthique et déontologique respectant le sujet, visant à protéger l’intimité et les droits de celui-ci, tout en nous interrogeant et interrogeant le judiciaire sur ce qui peut structurer ce sujet-là dans la société.

« L’investigation », où l’institution PJJ veut canaliser le psychologue, est une partie de son travail, mais il se doit d’éviter le danger de son instrumentalisation au service d’orientations politiques et de faire valoir le travail de mise en sens singulier de ce qui se passe sur la scène sociale pour cet enfant, cet adolescent, cette famille.

Que le psychologue travaille en milieu ouvert ou dans des hébergements, il proposera son aide et un accompagnement chaque fois que c’est possible auprès des mineurs et jeunes majeurs, aux familles d’origine, aux familles d’accueils ainsi qu’un travail d’élaboration avec les autres partenaires de travail et avec l’institution elle même dans des dispositifs à penser, à construire.

Notre profession mobilise, de par son essence même et les méconnaissances qui y sont liées, résistances, peurs, angoisses. Nous favorisons dans notre champ de compétences, auprès du public et de l’institution elle-même, un travail d’élaboration et de sens, qui est de fait autant réclamé que fui. Penser de vient de plus en plus dangereux dans une société qui prône et valorise la réactivité immédiate, l’urgence à produire des actes, lisibles par le plus grand nombre.

Les compétences de la Commission

Depuis plus de 20 ans, cette commission a une place unique dans toute la profession, celle d’avoir des représentants élus pour représenter le corps des psychologues dans une fonction publique.

Pour être cet interlocuteur qualifié face à l’administration, la Commission présente tous les trois ans, une liste de candidats aux élections professionnelles.
Nous sommes ainsi en place d’interlocuteur « obligé » dans beaucoup d’instances représentatives notamment les Commission Administratives Paritaires où se décident les mutations, les nominations au hors classe, où se discutent les recours, les situations personnelles des agents. Nous participons ès qualité, à un très grand nombre de réunions concernant la politique stratégique nationale, des groupes de travail sur des changements dans les missions institutionnelles comme la nouvelle mesure d’investigation, les activités de jour… ; sur des thématiques variée tel le statut du handicap, la formation professionnelle et évidemment sur tout ce qui est relatif aux psychologues : recrutement, statut, fiche métier, fonction FIR etc.

La commission, avec les années, a pu construire un travail régulier en intersyndicale avec les grandes centrales syndicales pour des actions unitaires. Mais contrairement aux grandes confédérations qui bénéficient de membres permanents, les psychologues du SNP sont des praticiens en fonction dans leur service et qui s’engagent simultanément pour la profession.

Le SNP est particulièrement vigilant à intervenir pour tous les textes qui réglementent et encadrent notre exercice à la PJJ. Après la rédaction du statut, de la Fiche Métier, du Référentiel Compétences et à venir un nouveau texte sur la fonction FIR, nous sommes particulièrement  mobilisés sur le fait de ne pas laisser inscrire dans un texte des formules fausses ou réductrices portant atteinte à l’exercice de notre profession et aux garanties à apporter aux justiciables.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

De multiples institutions nouvelles se sont créées, souvent au détriment des moyens consacrés aux milieux ouverts et aux hébergements « classiques» où exerçaient en majorité les psychologues. L’action en urgence, l’enfermement, deviennent les objectifs privilégiés de la création successive des C.P.I.(centre de placement immédiat), C.E.R. (centre d’éducation renforcé), C.E.F. (centre d’éducation fermé), et plus récemment les E.E.P.M. (établissements éducatifs pénitentiaires pour mineurs) qui se voient affectés nombre de personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, y compris des psychologues.

La prise en compte de la dimension psychique et sa mise au travail dans l’institution a toujours été en tension mais devient de plus en plus antinomique avec des commandes administratives, elles-mêmes prises dans des injonctions budgétaires et des commandes politiques. Actuellement le judiciaire s’expose à une désignation des mineurs délinquants et de la maladie mentale comme des sources de dangerosité qui génèrent la peur et encourage l’illusion du recours au tout répressif, à l’enfermement.

La nostalgie d’un passé « d’ordre » fait retour, alors que le temps s’accélère pour répondre toujours plus vite, et tenter d’enserrer à tout prix dans la maîtrise procédurale bureaucratique, les dérangements de l’humain.

Le nombre de psychologues a toujours été insuffisant mais les recrutements se raréfient pour un nombre de postes de plus en plus petit (une dizaine au dernier concours). Seule une gestion anticipée des départs et du manque à combler pourrait parvenir à réduire les disparités, afin que le public accueilli par la P.J.J. puisse avoir un accès libre au psychologue sans discrimination de lieux géographiques, d’institution, de mesures ou de résistances locales.

Actuellement 280 psychologues titulaires sont affectés sur des services à la P.J.J. (France métropolitaine et outremer). Il s’y adjoint des contractuels (une centaine) pour pallier l’absence de création de poste dans certaines structures ou être en complément de service lorsque la charge de travail est beaucoup trop importante. Cependant la politique de réduction des coûts arrête aussi ce recrutement de contractuels.

Le recrutement se fait par voie d’un concours externe et interne qui a lieu en moyenne tous les deux ans. C’est un concours national avec une affectation possible couvrant l’ensemble du territoire français.
Ce concours comportait jusqu’en 2004 des épreuves écrites et un oral uniquement organisé par des psychologues et enseignants de psychologie. Si un allégement des épreuves avait pu faire accord, la modification des jurys a été imposée par l’administration, contre l’avis du S.N.P, pour avoir d’autres corps professionnels dans ce concours sans limite d’équilibre clairement posées. Ce concours présente maintenant une seule épreuve écrite et une évaluation à l’oral avec la participation majoritaire de directeurs administratifs de la P.J.J., ce qui change évidemment les critères professionnels mis en avant.

La grille de salaire est identique à celle des psychologues hospitaliers. Cependant l’attribution de certaines primes, en général les plus basses par rapport aux autres corps marquent une discrimination qui est reconnue depuis peu par l’administration mais sans qu’elle se donne les moyens de rééquilibrer cette situation.

La fonction FIR a été reconnue en 1983 par voie d’une circulaire qui n’a jamais été réécrite. Elle est depuis quelques années, l’objet d’un rapport de force plus ou moins marqué, selon les lieux et les personnes, entre les psychologues et l’administration. Actuellement l’offensive de la P.J.J. pour tenter de faire disparaitre ce temps de travail spécifique a été déclarée au niveau central et fait l’objet d’audiences, de négociations, d’intersyndicales. Le sujet est à ce jour en pleine effervescence.

La hiérarchie de la PJJ a encore du mal à concevoir les psychologues comme interlocuteurs et partenaires de travail dans différentes instances de travail. Leurs initiatives pour penser leur travail, l’institution, ouvrir vers l’extérieur, suscitent encore trop souvent des incompréhensions et des blocages.

L’action du SNP a toujours soutenu la mise en place de groupes de travail, de regroupements collégiaux qui sont reconnus au plan départemental, régional pour que les psychologues ne se laissent pas enfermer dans un positionnement d’isolement. L’ouverture aux confrères et aux autres instituions ne peut que permettre à la fois d’affiner la qualité de la prise en charge auprès du public, développer les axes transversaux avec la santé mentale, l’éducation nationale et construire l’évolution des missions en interne.

 

 

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