P&P n°242 : Le handicap, vivre et trouver sa place (février 2016)
Description
La loi dite loi handicap du 11 février 2005 apporte une nouvelle définition du handicap et réforme la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975. Fondé sur le principe de non-discrimination, ce texte vise à garantir l’égalité des droits et des chances pour les personnes porteuses de handicap et à assurer à chacun la possibilité de choisir son projet de vie avec 5 objectifs : droit à compensation, intégration scolaire, insertion professionnelle, accessibilité et création de maisons départementales des personnes handicapées (mdph).
À l’occasion du 10e anniversaire de cette loi, nous avons souhaité en connaître les conséquences éventuelles sur le regard et la pratique des psychologues.
Il semble, à la lecture des textes que nous vous présentons dans ce dossier, que ces effets aient consisté en de multiples rebonds. Affectant les structures, les équipes, les professionnels, la loi de 2005 a obligé les psychologues à repenser leur pratique et les institutions ou services, à changer de regard, d’organisation, de mode d’intervention et même et surtout à s’adapter à de nouveaux interlocuteurs : les enfants avec leur handicap et leurs parents.
Cependant, ce qui nous est apparu, c’est la constance d’une implication, la perpétuelle recherche de justesse, la réflexion continue des praticiens sur ce que travailler avec le handicap signifie et représente.
Travailler sur le handicap, ou travailler avec des personnes handicapées ? Non ! Ce que nous avons découvert, c’est le travail avec des sujets, des enfants, des élèves, des adultes, des parents, des travailleurs… dont il s’agissait de soutenir et d’accompagner les trajets de vie dans leurs difficultés spécifiques.
Avec la loi de 2005, Daniel Charlemaine nous ouvre largement la porte de l’école : tout enfant pour différent qu’il soit peut trouver place au sein de l’école. C’est alors que se précise la notion de compensation… Que peut-il en advenir pour l’enfant handicapé ?
Entre rêve et réalité, nous avançons dans ce long chemin parcouru par l’école, les enseignants, la mdph pour offrir aux enfants et aux parents un accueil, la compréhension de leur nouveau rôle, pour un plus de vie et de création.
Délaissant les progrès et les avancées vécus par les enfants grâce à la continuité d’un parcours scolaire adapté à leurs compétences, Solange Fanget nous confie les réflexions et les interrogations que la mise en place de cette loi lui suggère. Effroi et incompréhension chez les enseignants, seuls et pas préparés à l’accueil de l’enfant différent. Souffrance pour les parents de vivre la confrontation, parfois très douloureuse de leur enfant avec les autres élèves. Non acceptation souvent par les parents de la différence vécue à l’école en termes de handicap avec la tentation de banaliser ce handicap. Difficultés liées au respect dû à chaque enfant confronté aux approches plurielles qui risqueraient d’annuler sa singularité.
Catherine Princelle poursuit ce questionnement et suggère bien des handicaps au…traitement du handicap ! Que de dérives, que de chausse-trappes nous guettent malgré nos meilleures intentions dans l’application de ce dispositif collectif d’intégration destiné au départ à offrir plus de souplesse à l’enfant dans son adaptation à l’école !
Maxime Menanteau élargit la scène : comment rencontrer l’autre, le parent, l’enfant à travers le projet individuel d’accompagnement d’un camps(1) ? Paradoxalement l’auteur se demande s’il ne vaut pas mieux préserver, pour les parents l’enfant imaginaire, pour que l’enfant réel aboutisse à son expression en son nom propre. L’auteur avance les mots d’accordage entre professionnels, parents et enfants qui consiste en un espace potentiel de rencontre ni subjectivement créé ni objectivement perçu.
Pourtant, un constat revient avec insistance dans ces premiers textes : l’extension de la notion de handicap vient recouvrir des champs qui jusque là n’étaient que des difficultés ou au contraire structures psychiques et modes de fonctionnement. Ce handicap assigne parfois le sujet à une place, une fonction, lui adjoignant d’éventuelles prothèses, venant modifier son rapport aux autres et à lui-même et en retour venant modifier le rapport des autres et du monde à lui-même…
Partant de ce constat Albert Ciccone a choisi une tout autre approche en interrogeant la place de la psychologie clinique dans le champ du handicap pour poursuivre sa recherche sur ce qu’apporte à la conception du soin psychique la pratique avec le handicap.
Nous changeons de registre avec ces trois derniers textes qui nous ouvrent le monde de l’adulte handicapé avec ses difficultés plus méconnues que l’on ne pense.
Celles d’une toute jeune fille qui découvre, dans un cabinet privé, un lieu pour elle, une disponibilité et une écoute qui favorisent son expression et l’installation d’un lien transférentiel. Hélène Olomucki souligne ici l’intérêt pour le sujet d’expérimenter une continuité dans le suivi, le respect de son rythme propre et le plaisir des mots…
S’ensuit un texte court qui rejoindra les soucis de bien des professionnels : Une personne handicapée souhaite retravailler ! Elle a devant elle un vrai parcours du combattant…
Pour Valérie Noiran l’outil travail est loin d’avoir le même sens dans l’entreprise et dans le médicosocial. Nous suivrons pas à pas l’auteur dans les dispositifs qu’elle a connus et expérimentés.
Voila matière à réflexion et à découvertes pour de nombreux collègues …
Jean-Louis Pédinielli et Vincent Bréjard closent ce dossier, décidément très riche, en évoquant le handicap respiratoire et ses multiples retentissements sur la personne : transformation du statut social et familial, dépendance de l’institution médicale, sentiment d’impuissance avec son cortège de détresse, de douleur, d’angoisse.
Le lecteur découvrira avec particulièrement d’intérêt ce que J-L. Pédinielli et V. Bréjard appellent le travail de la maladie lorsque certains patients s’approprient « la maladie et la thérapeutique dans un réinvestissement de leur corps et [dans] l’élaboration de la douleur et de la perte, qui leur permet le rétablissement des investissements ».
… Mais nous préférons vous laisser faire votre propre chemin !
Marie-France Jacqmin
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