Gratification des stages : les résultats de l’enquête

Devant les difficultés rencontrées en cette rentrée 2012/2013 par beaucoup d’étudiants pour trouver un stage, en particulier en Ile de France, région toulousaine, etc., la commission université a d’abord saisi un grand nombre d’enseignants d’universités pour faire le point : beaucoup d’interrogations, de situations floues ou incertaines, d’inquiétudes pour le déroulement normal du cursus nous ont été renvoyées.

C’est la raison pour laquelle le SNP a proposé aux psychologues de répondre en urgence à une rapide enquête qui n’a pas de prétention « scientifique ». Cette enquête concerne les stages en psychologie des étudiants L3, M1, M2 et leur gratification . Elle a été mise en ligne et publiée dans notre revue Psychologues et Psychologies n°224 de décembre 2012.

Un grand merci à tous ceux qui ont bien voulu y participer !

Voici le questionnaire que nous leur avions proposé de remplir.
A tous les psychologues exerçant dans des institutions ou services habilités à accueillir des stagiaires en L3, M1, et M2.
Votre institution ou service est : public / privé

Question 1 : Votre institution ou service accepte-t-il des stagiaires  ?
en L3  oui /non en M1 oui /non en M2  oui /non

Question 2 : Le nombre de stagiaires accepté a-t-il changé par rapport aux années précédentes ?
Diminution / Nombre stable / Augmentation

Question 3 : Une gratification conforme à la loi du 28 juillet 2011 est-elle accordée ? oui / non

Question 4 : Votre institution ou service est-il dans l’impossibilité budgétaire d’assumer une gratification?

Question 5 : Profitez de cette enquête pour nous faire part de vos commentaires sur l’encadrement, la relation avec les universitaires, la participation aux jurys, à la soutenance .

Ce questionnaire, concis, ouvert et anonyme comprenait cinq questions relatives à la possibilité institutionnelle et administrative d’accepter des étudiants stagiaires, à l’application de la gratification, aux relations des psychologues avec les universités de référence.
Les réponses ont été faites majoritairement par e-mail, quelques une ont été envoyées par courrier.
Nous avons reçu un échantillon de 80 réponses issues de presque toutes les régions de France, ce qui rend l’enquête intéressante. Elles émanent toutes de psychologues référents de stages engagés, intéressés et convaincus du devoir de transmission.
Il s’agit majoritairement de psychologues travaillant en secteur public (67 dont 30 en services de psychiatrie).
13 psychologues travaillent dans des structures associatives et privées le plus souvent par convention avec le secteur public.
Des données fortes et homogènes sont apparues comme remarquables pour chacune des questions.

1- L’accueil des stagiaires

La grande majorité accepte l’ensemble des stagiaires de L3, M1 et M2.
Une minorité refuse les licences.

2- La stabilité de l’accueil

La grande majorité rend compte d’une stabilité du nombre des stagiaires accueillis par rapport aux années précédentes. Lorsqu’une diminution est indiquée (6), elle est imputable à la moindre disponibilité des psychologues, liée a la surcharge de travail, à leur temps partiel ou à la suppression de leur temps FIR (10). 3 psychologues signalent même une augmentation. Au total, nous notons une stabilité significative.
Il ne semble pas qu’il y ait des refus des administrations ou des institutions auxquelles appartiennent les psychologues qui répondent. Ignorance ou déni des textes ?
Aucun refus n’a été argumenté.
Mais tous affirment la nécessité de la pratique qui guide leur détermination à continuer à prendre des stagiaires…

3- Une gratification massivement refusée

On fait le constat d’un refus massif de gratification accordée aux stagiaires :
Seules 6 institutions l’accordent : 3 de statut privé, 3 du secteur public dont une du secteur hospitalier ou ASE. D’autres formes d’aide sont évoquées comme des tickets restaurant ou de bus.
La très grande majorité des conventions de stages se conforme à la limitation à deux mois (42), mais elles sont souvent renouvelés… ce qui est contraire aux textes !

4- Une gratification impensable

Un Oui majoritaire à cette question rend impensable la gratification.
Sont évoquées les restrictions budgétaires actuelles très lourdes, les restructurations dans les institutions.
Quelques uns précisent que les étudiants exigeant une gratification seront fichés et non embauchés ultérieurement…
Cela révèle, de la part des psychologues, une ignorance ou méconnaissance des textes officiels relatifs à la gratification et une « distance » évidente avec les réalités administratives de leurs établissements.
Ce sont diverses modalités acrobatiques d’adaptation, d’opacité, de confusion .qui semblent s’appliquer, sans conscience claire de leur illégalité. Les conventions de stage sont signées.
La réalité juridico administrative est souvent ignorée.
Seuls 2 stages se révèlent « officiellement » longs.
La logique est clairement celle du contournement des textes entre les universités et les institutions.

5- Les liens avec les universitaires

La dernière question nous donne l’occasion de repérer si, depuis la grande enquête nationale sur les stages que le SNP a fait en 1997/1998, et depuis la publication de l’arrêté de 2006 relatif à la délivrance conjointe du Titre de psychologue, les relations psychologues – universitaires ont évolué.
Il semble que non. On peut même constater une aggravation de la situation, au travers du non respect de l’arrêté de 2006, qui impose pourtant la présence du praticien-référent, les avis évaluatifs conjoints universitaire-praticien et leur double signature sur l’attestation de M2.

Les psychologues ont largement répondu à cette question et le constat est accablant. Il est marqué de manière massive, par une absence de relations institutionnelles, voire une fin de non-recevoir lorsque certains psychologues soulèvent des problèmes majeurs d’évaluation de leur stagiaire en cours ou en fin de stage.
Sont notées l’absence ou la rareté de réunions proposées par les universités avec les praticiens-référents de stage, l’absence d’un carnet de stages, l’absence d’invitation aux soutenances de mémoires ou dans de rares cas, une invitation de dernière minute…
Cette situation largement majoritaire est vécue comme une « disqualification » de la pratique de terrain, de la qualification des praticiens à former et « évaluer » les stagiaires, comme une incohérence formative, un évitement d’un dialogue vital nécessaire.
Seules quelques exceptions montrent une certaine ou bonne collaboration avec les enseignants (5).

Les tentatives de démarches des praticiens auprès des universitaires s’avèrent souvent sans suite. « Les stages sont présentés comme indispensables et formateurs mais n’impliquent pas l’université ». Les mots utilisés sont durs : « inertie », « indifférence », « déconnexion bizarre », « inadéquation » (80{52497356009d932b60fe8e0944399b5260cadd9d58d90c44590d5be4b8bdbada}).

Au vu des résultats de l’enquête quelles conséquences pour la profession ?

L’enquête, aussi réduite quant à sa représentativité numérique, donne une image assez catastrophique de la place des stages et des psychologues qui les encadrent dans le processus essentiel de professionnalisation et de co-formation en vue de l’obtention du Titre de psychologue en France.
Les universitaires, depuis la découverte des textes officiels relatifs à l’obligation de gratification, se mobilisent, échangent, organisent des réunions (comme à Paris-7), invitent les étudiants à se mobiliser (cf. la manifestation en mars 2012 préparée par les étudiants de Paris-7 et la remise d’un dossier au Premier ministre). Ils sont très préoccupés de la possible carence de stages qui bloquerait complètement le cursus de leurs étudiants.
L’enquête nous apprend que les textes sur la gratification ne sont pas appliqués grâce à des collusions administratives entre les universités et les établissements. Cela varie selon les services juridiques des universités.
L’arrêté Monteil de 2006 qui « légalise » la délivrance du Titre est majoritairement non appliqué, entraînant un dysfonctionnement grave quant à celle-ci.
Les stages de terrain ne sont pas considérés comme essentiels dans la formation, nécessitant des passerelles d’échanges entre universitaires et praticiens quant à l’évaluation des stagiaires.

Dans l’enquête nationale de 1997/1998, celle-ci très large, les psychologues s’interrogeaient sur leur désir de continuer à prendre des stagiaires dans le contexte de non-reconnaissance de leur travail et de leurs avis.
Y a-t-il lieu de s’étonner, quinze ans après, devant le très grand nombre de refus de stage par des psychologues chevronnés ? (cf. Grunspan F., (2008), « La transmission, une obligation… », p 68 in Psychologues et Psychologies n°201/202)
Ce devoir de transmission, propre à toutes les professions, renvoie pourtant à la déontologie des psychologues et des enseignants.
On peut s’interroger aujourd’hui sur les motivations de ceux qui continuent d’en prendre : ils expriment, de fait, des positions engagées liées à leur conviction de la nécessite de transmission…
Ces constats sont extrêmement préoccupants pour la profession, sa crédibilité et son avenir.

En conclusion

  • La gestion de ce dossier n’est pas indépendante de la diminution des effectifs en L3 que demande le SNP.

  • Le doctorat professionnel que le SNP souhaite créerait sans doute une « culture » commune entre professionnels et universitaires.

  • Les relations insuffisantes ou inexistantes, constatées dans cette enquête entre les universitaires et les référents de stage amènent à reposer la question d’un statut de praticien-enseignant-chercheur. Un statut pour les professionnels qui interviennent à l’université instituerait un partenariat officiel et régulier. Aujourd’hui, il n’y a aucun lien organique entre les lieux d’exercice et l’université et ce lien ne peut pas être tributaire d’une simple convention de stage.

  • Le SNP a évidemment porté les contradictions et difficultés liées aux textes relatifs à la gratification devant le ministère de la Santé et le MESR : ceux-ci sont très embarrassés et interrogent leurs juristes respectifs dont les interprétations seraient divergentes.
    Les hôpitaux auraient changé de statut, depuis la loi HSPT de 2011 : ils n’auraient plus le statut d’établissement d’État ! Ils seraient donc assujettis à gratification, mais sans ligne budgétaire. Cela expliquerait le refus anticipateur de beaucoup d’hôpitaux parisiens (et le l’APHP en particulier) ambivalents quant à leur responsabilité.
    Rien à ce jour, n’est vraiment éclairci.

  • Le SNP maintient son appel à mobilisation : éclaircissement juridique, prise de décision des autorités de tutelle…

 

Y.Gérin – F. Caron
Pour la Commission université du SNP
snpuniv@psychologues.org

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