SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL
LES RÉPONSES AUX BESOINS BOULEVERSENT LES RÈGLES
Le SNP, par l'intermédiaire de sa commission Conventions collectives, est attentif aux mouvements du champ social et médico-social. Dans les différents lieux d'exercice, des psychologues témoignent d’évolutions globales alarmantes, sous-tendues par une même logique.
La réforme de la tarification Serafin-Ph[1] et sa nomenclature des besoins et prestations
L’objet annoncé de cette réforme est de répondre aux attentes des personnes prises en charge et d’améliorer leur parcours de vie, ce qui nécessiterait pour ses concepteurs d'harmoniser la lecture des besoins. Appuyée sur deux rapports commandés par le Gouvernement[2], la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux (ESMS) traduite dans le projet Serafin-Ph propose, à travers différents outils, de définir plus précisément les besoins des personnes en situation de handicap afin d'en avoir une meilleure lisibilité et d’y assujettir les prestations proposées pour mieux en estimer les coûts. Serafin-Ph annonce de profonds bouleversements pour nos établissements et services souvent financés sur la base de dotations, mettant en avant le décloisonnement et la possibilité de diversification au service de la continuité des accompagnements.
À la lecture des nomenclatures Seraphin-Ph, les psychologues de la commission Conventions collectives du SNP estiment d’une part que les besoins n’ont pas été définis clairement et d’autre part que le travail en équipe pluriprofessionnelle semble mis de côté au profit de l’addition de prestations.
La notion même de « besoin », présente dans de nombreuses lois telle celle de 2005, recouvre un champ vaste et flou. Nous savons qu’une notion sans définition précise peut être interprétée de différentes manières : le besoin entendu d’un point de vue clinique n’est pas celui évalué dans une logique administrative de gestion.
Par ailleurs, la codification des temps de réunion ou autres temps institutionnels pour penser le sujet dans sa globalité sont absents de la nomenclature. La structuration de cette réforme ne semble pas pouvoir prendre en compte le soin dans ce qui nous parait le plus essentiel : la rencontre des personnes prises en soin avec une équipe dans sa globalité.
Le SNP est favorable à une (nécessaire) évolution du secteur social et médico-social et affirme la nécessité pour les psychologues de rendre compte de leur travail mais certains critères essentiels de cette évaluation du travail du psychologue sont oubliés dans la réforme en cours.
La démarche Rapt[3] : pôles de compétences et de prestations externalisées
L’instruction de la DGCS[4] qui crée cette réponse défend « une approche systémique mobilisant l’ensemble des acteurs concernés » et vise « à créer les conditions nécessaires permettant d’assurer la continuité des parcours des personnes handicapées, et d’éviter notamment que leur situation ne devienne critique du fait de l’absence d’une réponse adaptée ». Le dispositif qu’elle promeut, dont les contours sont encore imprécis, instaure un système permanent d'orientation piloté par les MDPH, et permet entre autres, par la création des pôles de compétences et de prestations externalisées :
- la délivrance « de prestations directes auprès des usagers, faisant intervenir des professionnels dans un cadre salarié ou libéral (hors nomenclature) […] », et ce tant auprès des usagers que de leur famille. C’est-à-dire la systématisation de l’appel à des intervenants/structures externes si les professionnels qualifiés ne sont pas disponibles dans l’établissement d’accueil.
- la « formalisation d’un projet individuel d’accompagnement fondé sur l'évaluation fonctionnelle, avec la désignation d’un coordonnateur de parcours dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’accompagnement global ». Une coordination du travail donc gérée par un professionnel de la coordination et non du soin[5]. Et pourquoi pas par un psychologue ?
Parallèlement, le cadre des structures d’accueil est assoupli pour répondre aux situations dites « complexes »[6]. Le texte de la DGCS promeut l'évolution d'une logique de place à une logique de réponse : il accorde aux institutions la possibilité de déroger à leurs agréments (réorganisation de l'offre) plutôt que d'ouvrir des places ou des structures nouvelles. Les Esms sont invités à dépasser leur capacité d'accueil et leur agrément pour répondre au manque de places, et ce sans moyens supplémentaires. Ils pourront par exemple accueillir deux usagers à temps partiel sur une même place, ce qui rend difficile, voire impossible, d’ajuster les modalités d’intervention en fonction de l’évolution de chaque personne accueillie, de ses besoins d’accompagnement ou d’autonomie…
Pour finir, les ESMS, et par conséquent leurs pôles de compétences et de prestations externalisées, sont dans l’obligation d’offrir des prestations à tout usager (zéro sans solution), même si un projet d’orientation est en cours[7]. La difficulté n’est alors pas tant, pour les professionnels, d’assurer la continuité de soin, éthiquement elle s’impose à tous, que de réaliser des prestations auprès d’usagers inclus, dans l’attente de leur orientation, dans des dispositifs qui ne leur sont pas nécessairement adaptés.
La commission Conventions collectives, représentant dans son champ le SNP, reste vigilante à ces mutations du secteur et à leurs effets. Elle défend et défendra le respect de la dimension psychique des personnes prises en soin et ses corollaires, les conditions d'accompagnement psychologique et les cadres d'intervention des psychologues. C’est ce à quoi nous invite notre éthique et que soutiennent les résolutions des derniers congrès du SNP.
N'hésitez pas à partager vos regards, lectures et expériences avec les membres de la commission : dans ces périodes de changements, penser à plusieurs est indispensable !
La commission Conventions collectives du SNP
Mai 2017
Contact : snpcc@psychologues.org
[1]Services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées
[2]Rapport « Vachey-Jeannet » en 2012 et rapport Piveteau « Zéro sans solution » en 2014
[3]une Réponse accompagnée pour tous
[4] Instruction N° DGCS/SD3B/2016/119 du 12 avril 2016 relative à la mise en œuvre des pôles de compétences et de prestations externalisées pour les personnes en situation de handicap (Direction générale de la cohésion sociale, ministère des Affaires sociales et de la santé). La Rapt se réfère aussi au rapport « Zéro sans solution »
[5] « Des fonctions d'appui à la prise en charge des patients relevant de parcours de santé complexes sont organisées en soutien des professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux par les agences régionales de santé, en concertation avec les représentants des professionnels et des usagers. », Article L6327-1 du Code de la santé publique, Créé par Loi n°2016-41 du 26 janvier 2016, art. 74
[6] « Le parcours de santé est dit complexe lorsque l'état de santé, le handicap ou la situation sociale du patient rend nécessaire l'intervention de plusieurs catégories de professionnels de santé, sociaux ou médico-sociaux », idem
[7] Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale et Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées