Paris, le 8 novembre 2018
Ministère des Solidarités et de la Santé
Madame Agnès BUZYN
Ministre
Madame la Ministre,
Lors de son discours le 18 septembre 2018 à l’Elysée sur la Stratégie de Transformation du Système de Santé, le Président de la République a fait état de mesures urgentes à prendre pour les établissements psychiatriques.
Un certain nombre de représentants institutionnels de la psychiatrie étaient intervenus quelques jours plus tôt pour « l’alerter solennellement sur la situation d’une gravité sans précédent à laquelle cette discipline est actuellement confrontée »*.
Pour apporter notre contribution à la résolution de cette crise grave, nous pensons utile de vous transmettre dix propositions, que vous voudrez bien trouver annexées à ce courrier, de nature à répondre à l’urgence de la situation.
Vous connaissez, Madame la Ministre, l’importance des enjeux actuels pour l’avenir de notre discipline dont vous avez voulu faire une priorité. Ces enjeux concernent l’ensemble des acteurs de la psychiatrie qu’ils soient publics ou privés mais aussi, et en premier lieu, les patients leurs proches et leurs familles. Vous savez aussi nos préoccupations majeures en matière de temps clinique passé auprès du patient et d’éthique professionnelle. C’est dire toute l’importance que nous donnons aux questions d’attractivité et de démographie des postes médicaux et de leurs conséquences sur les pratiques de l’ensemble des professionnels, notamment psychologues et infirmiers.
Dans ces circonstances, nous sollicitons auprès de vous une réunion extraordinaire sous votre présidence du Comité de pilotage de la psychiatrie. En effet, pour être cohérents, les plans d’actions concrètes qu’exige cette situation de crise devront naturellement s’intégrer dans le cadre des travaux de cette instance, instance que l’ensemble des acteurs de la psychiatrie ont investie et au sein de laquelle ils se sont engagés dans de nombreux
chantiers prioritaires pour l’amélioration de notre dispositif de soins et de prévention.
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Les signataires :
- Sadek BELOUCIF, Président du Syndicat National des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens des Hôpitaux Publics (SNAM-HP)
- Marc BETREMIEUX, Président du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH)
- Rachel BOCHER, Président de l'Intersyndicale des Praticiens Hospitaliers de France (INPH)
- Jean-Jacques BONAMOUR DU TARTRE, Président de la Fédération Française de Psychiatrie (FFP)
- Jacques BORGY, Secrétaire Général du Syndicat National des Psychologues (SNP)
- Stéphane BOURCET, Président de l’Intersyndicale de la Défense de la Psychiatrie Publique (IDEPP)
- Michel DAVID, Président de l’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire de Psychiatrie (ASPMP)
- Claude FINKELSTEIN, Présidente de la Fédération Nationale des Associations d’usagers en Psychiatrie (FNAPSY)
- Thierry GODEAU, Président de la Conférence nationale des Présidents des Commissions Médicales d’Etablissement de Centres Hospitaliers
- Jean-Paul LANQUETIN, Responsable du Groupe de Recherche en Soins Infirmiers (GRSI) – Centre Hospitalier de Saint-Cyr au Mont d’Or
- Pascal MARIOTTI, Président de l'Association des Etablissements du service public de Santé Mentale (ADESM)
- Gladys MONDIERE et Benoit SCHNEIDER, Co-Présidents de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP)
- Marie-Rose MORO, Présidente du Collège National des Universitaires de Psychiatrie (CNUP)
- Christian MÜLLER, Président de la Conférence nationale des Présidents de Commissions Médicales d’Etablissement de Centres Hospitaliers Spécialisés
- Antoine PERRIN, Directeur Général de la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne – Privés et non lucratifs (FEHAP)
- Annick PERRIN-NIQUET, Présidente du Comité d’Etudes des Formations Infirmières et des Pratiques en Psychiatrie (CEFI-Psy)
- Marie-Jeanne RICHARD, Présidente de l’Union Nationale de Familles et Amis de personnes malades et/ou handicapés psychiques (UNAFAM)
- Norbert SKURNIK, Président de la Coordination Médicale Hospitalière (CMH)
- Jacques TREVIDIC, Président de la Confédération des Praticiens Hospitaliers (CPH)
- Michel TRIANTAFYLLOU, Président du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP)
- Frédéric VALLETOUX, Président de la Fédération Hospitalière de France (FHF)
*Communiqué du 12 septembre 2018 « Stratégie de transformation du système de santé : la psychiatrie en état d’urgence républicaine »
LES 10 MESURES À METTRE EN OEUVRE DEVANT LA SITUATION D'URGENCE RÉPUBLICAINE DE LA PSYCHIATRIE EN FRANCE
Le 8 novembre 2018
A réaliser dans les plus brefs délais :
1/ Garantir aux établissements autorisés en psychiatrie la préservation des moyens alloués à l’activité de psychiatrie.
A ce titre :
– En 2018 : réaliser un bilan de l'évolution des moyens qui leur ont été alloués sur les dernières cinq années et procéder à la restitution intégrale à ces établissements de la mise en réserve prudentielle
– Dès 2019 mettre fin au mécanisme pénalisant et injustifié du gel prudentiel qui leur est imposé alors qu'ils sont sous DAF dans le cadre d'une enveloppe financière fermée ; la fin de ce mécanisme ne doit pas faire reporter l’effort sur les autres secteurs comme le MCO ou le SSR.
2/ Accompagner la mise en oeuvre des projets territoriaux de santé mentale obligatoires au 1er juillet 2020 par un soutien technique des ARS :
– Pour réaliser les diagnostics territoriaux en associant étroitement à leur élaboration l’ensemble des acteurs concernés patients, familles, professionnels des champs sanitaire médico-social et social
– Pour favoriser la structuration territoriale des dispositifs d’accompagnement et de soins (Communautés Psychiatriques de Territoire ou dispositifs équivalents …) en mobilisant notamment le fonds d'investissement organisationnel dédié aux organisations innovantes
3/ Structurer spécifiquement pour les établissements du secteur public une organisation de la psychiatrie publique prenant en compte la nécessité d’un pilotage clairement identifié et cohérent des dispositifs de soins et de prévention relevant de son champ dans les Groupements Hospitaliers de Territoire :
– Notamment en matière de gouvernance, de budget et d’information médicale pour permettre aux professionnels concernés d’assurer pleinement leur mission de responsabilité populationnelle selon les principes de la politique de secteur réaffirmés par la Ministre
– Dans cette perspective, préciser les conditions de priorisation de la psychiatrie dans les plans régionaux d’investissement prévus dans ma santé 2022 notamment dans le contexte des GHT
4/ Sur la base d'orientations validées au niveau du comité national de pilotage de la psychiatrie :
– Garantir l’accès aux services de psychiatrie infanto-juvénile par un renforcement des moyens disponibles et prioriser notamment les postes hospitaliers et universitaires en les affectant clairement à cet objectif
– Structurer et développer la recherche autour d’une coordination nationale de la recherche en psychiatrie en associant l’ensemble des professionnels concernés (Praticiens hospitaliers, chercheurs, universitaires, psychologues, infirmiers, …)
– Mener à leur terme les travaux engagés pour la prise en charge psychiatrique des personnes âgées et en addictologie, ainsi que ceux sur la réforme des modalités d’allocations de ressources pour la psychiatrie
– Mettre en oeuvre la prise en charge sanitaire répondant aux besoins des personnes autistes et de leurs proches en lien étroit avec l’ensemble des partenaires concernés – Déployer les pratiques de soins de réhabilitation psycho-sociale sur l'ensemble du territoire
– Engager les travaux préparatoires à l’élaboration du nouveau régime d’autorisation des établissements en psychiatrie
D’ici la fin 2019 :
5/ Définir et mettre en oeuvre pour septembre 2019 les pratiques avancées infirmières en psychiatrie. Identifier les programmes de formation nécessaires à l’évolution des compétences et responsabilités de l’ensemble des catégories professionnelles intervenant dans le champ de la psychiatrie (psychologues, assistants socio-éducatifs, etc…).
6/ Garantir des conditions de séjour hospitalier respectant les droits et la dignité des patients avec une attention particulière aux patients mineurs.
7/ Combler le retard d’application de l'incitation financière à l’amélioration de la qualité (IFAQ) pour le champ de la psychiatrie. Pour mémoire, la psychiatrie est la seule discipline médicale qui est exclue de ce dispositif incitatif (généralisation 2016 pour MCO, 2017 pour SSR).
8/ Développer des indicateurs qualité et sécurité des soins dédiés à la psychiatrie ainsi que des indicateurs CAQES qualitativement et quantitativement harmonisés au niveau national.
9/ Permettre le développement de la télémédecine dans le domaine de la psychiatrie en proposant un modèle économique de nature à assurer la pérennité des expérimentations validées et la mise en place de ce mode de prise en charge.
10/ Promouvoir la psychiatrie médico-légale et maintenir notamment un statut de service public pour l’expert travaillant à l’interface santé-justice