Comment les psychologues EN sont pris dans les enjeux des mesures sanitaires

Depuis le début de la pandémie le Snp est interpellé par des psychologues de l’éducation nationale très inquiets pour les enfants et adolescents. La situation sanitaire connaît des hauts et des bas, elle est aujourd’hui en pleine période critique. À chaque étape arrive son lot de dispositifs et d’injonctions dans les écoles : port du masque pour adultes et enfants de plus de six ans, nettoyage régulier des mains, récréations en classes séparées, sport intérieur interdit… Les contraintes matérielles et organisationnelles sont multiples, difficiles à appliquer et variables dans le temps. Les enseignants doivent faire preuve d’une extraordinaire adaptation dans leur pratique, tout en poursuivant la mise en œuvre de leur pédagogie, en restant attentifs aux enfants à besoins éducatifs particuliers, et en gardant leur travail relationnel avec les familles.

Les psychologues de l’éducation nationale sont chaque jour témoin de l’engagement des enseignants, mais aussi de leur usure, de leur fatigue, de leur désarroi. L’école inclusive bat son plein, les difficultés sociales (problèmes financiers dans les familles, crises de couple, éreintement éducatif dû au contexte), les troubles du comportement (enfants dans des démonstrations explosives de leur souffrance) amènent des multiplications de situations rapportées au psychologue. Celui-ci, en plus de son emploi du temps surchargé, essaie d’être « au chevet » de cette école si révélatrice du mal-être de la société dans laquelle elle est inscrite.

Dans ce contexte de vacillement général des habitudes et de repères, le masque est l’objet de nombreuses réactions. Ce rectangle de tissu vient soulever de l’indignation pour certains, et l’acceptation pour d’autres. Il est une barrière à la communication puisqu’il enlève la moitié du visage et donc de l’expression non verbale. Il diminue la netteté des sons émis et impacte la compréhension verbale. Il est souvent mal positionné, mal ajusté, sale ou détérioré. De nombreux spécialistes le situent à l’origine de manque d’oxygénation, de maux de tête et de démangeaisons.

Mais le masque est là, objet collectif au service de la lutte, il vient associer les enfants au mouvement de société dans la recherche d’un empêchement de la contamination. Selon les jours et les spécialistes interrogés dans les médias, les petits sont tantôt très contaminants, tantôt peu touchés. Qui croire ? Faut-il se fier à tel médecin ou tel épidémiologiste ?

Le psychologue, qui œuvre au service de la dignité humaine et de l’expression apaisée de soi, est lui-même pris dans ce débat. Le sujet et son libre arbitre, si chers à la déontologie, se soumettent aujourd’hui à une injonction critiquable, non sûre, et qui divise quotidiennement. Le psychologue rend compte des souffrances subjectives induites mais sans oublier leur inscription dans un contexte social. Le Covid apporte souffrance individuelle (maladie, accompagnement de proches, peur, conséquences économiques), mais aussi souffrance collective (contagion, emplois, efforts partagés). À l’école, le psychologue voit se conjuguer l’atteinte aux libertés individuelles de l’enfant et la nécessaire cohésion du groupe autour des gestes barrières. 

La commission éducation nationale du Snp relaie les fortes inquiétudes quant aux dégâts psychiques du port du masque, tout autant que des restrictions de circulation, de contact et d’expression en cette période longue et compliquée. Elle remarque aussi combien les enfants s’adaptent et comprennent les enjeux de la situation.

Comme d’autres mesures sanitaires, dont nous ne connaissons pas toujours la pertinence, qui parfois se contredisent de l’une à l’autre, le port du masque amène le monde enseignant et les enfants dans le même engagement que celui des soignants : poursuivre l’effort collectif pour « tenir » afin de sortir ensemble de la crise sanitaire et sociale que nous traversons.

Or voilà qu’en ce début d’avril, une nouvelle mesure de « freinage » du virus est prise par nos dirigeants : fermeture des crèches et des écoles pour trois semaines, vacances simultanées pour tout le pays, déplacements « limités » pour tous. Il faut cependant maintenir l’enseignement à distance pendant une semaine et poursuivre les dispositifs de « réussite éducative », toujours à distance. Alors que la semaine précédente, l’on demandait aux enseignants de s’impliquer dans l’organisation de la campagne de tests salivaires et de collecter les cartes vitales des familles… chacun doit à nouveau s’adapter, s’organiser, pour le télétravail, pour les enfants, faire le deuil de ses projets de vacances de printemps. Nouvel effort, nouveaux doutes, avec le constat d’une toujours plus grande centralisation du pouvoir, du pays tout entier dans l’attente des paroles du chef de l’Etat, et celui de l’incroyable effort d’adaptation de tout le système scolaire. Confrontés aux problèmes techniques d’équipements informatiques, à la variabilité des débits de connexion internet, les enseignants et tout le personnel d’encadrement, ont repris l’enseignement à distance, réinstauré le principe des écoles cibles, poursuivi les réunions institutionnelles. Le psychologue aussi se réorganise pour son travail avec les familles, par entretiens téléphoniques ou en « visio ».

Dans ce contexte, malmenés eux-mêmes, les psychologues de l’éducation nationale ont et auront beaucoup à faire pour soutenir les équipes et poursuivre l’aide aux élèves et aux familles.  La nécessité de plus de psychologues, mais aussi de psychologues coordonnateurs qui aideront au maintien du système par leurs liens avec l’Institution, est évidente. Cette présence accrue des psychologues vise à éviter l’éparpillement des aides que représentent les nombreux dispositifs « école inclusive » arrivés « de l’extérieur », labellisés *ARS et/ou MDPH, et qui par leur multiplicité brouillent les pistes des aides possibles, tant pour les élèves dits EBEP que pour leurs familles. En effet, comment s’y retrouver quand, à côté des services de soins existants, même si parfois moribonds, arrivent les « DITEP, les DIME, les PPCE, les EMAS, les DARP, les plateformes TND, ECLIPSH, EURECASH » (avec certainement des sigles différents suivant les régions ou les départements !). Sans compter ce que sont à l’intérieur du système les nouvelles nébuleuses que peuvent représenter les « Pôles ressources », dans lesquels ont été noyés les RASED.

Il est donc primordial de se demander : « Quel rôle, quelle place, pour les psychologues EN pour repenser la cohérence du système pendant et au sortir de la crise sanitaire et sociale que nous traversons ? »

Le Syndicat national des psychologues est prêt à entreprendre cette réflexion en demandant à être entendu par le ministère de l’éducation nationale.

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