La fonction et la place des psychologues, apparemment valorisées et sollicitées, a subi de très sérieuses attaques de la part du gouvernement. Nous avons réagi vivement et de manière systématique comme l’indiquent nos multiples communiqués. Nous avons interpellé directement le président et le ministre de la santé. Nous avons transmis nos revendications auprès des représentants du ministère et des directions générales. Nous avons mis un arrêt à des négociations qui nous desservaient. Nous avons refusé d’avaliser une participation et une forme de caution au projet gouvernementale. Le rejet de la logique des dispositifs a été persévérante. Ceux-ci butent sur deux points centraux dont il est attendu la levée : la prescription médicale et la sous-tarification. Suite à l’annonce catastrophique du Président, face à la volonté politique de figer dans le marbre de la loi, au travers du vote de la PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale), nous avons sollicité un nombre important de parlementaires et participer à la rédaction d’amendements possibles. Nous avons co-organisé des manifestations massives de la profession. Nous sommes intervenus auprès des médias. Nous avons soutenu d’autres manifestations et une lettre individuelle aux parlementaires. Cette dynamique a été partagé par d’autres, mise en œuvre par d’autres membres de la profession, collectifs ou intercollèges. L’amendement 2083 est passé, les décrets d’application ne devraient pas tarder.
La surdité gouvernementale s’est accompagnée d’une forme de mépris exprimée, par des désinformations sur les revenus des psychologues. La préséance médicale n’a aucune raison ni clinique ni budgétaire. Nous avons rappelé que seuls les psychologues avaient la formation adéquate et que les médecins n’avaient pas les repères nécessaires. La consultation préalable d’adressage ou prescription est non seulement inutile, constitue un coût supplémentaire qui n’a pas de sens, réalise une perte de sens et de qualité du travail psychologique.
La profession a été sonnée par la violence des décisions et cette maltraitance politique. Cela s’est répercuté en lignes de clivages entre organisations et au sein même de celles-ci. Une profession désorientée a eu la tentation de chercher des boucs émissaires ou de s’enfermer dans une certaine désespérance. La plupart des professionnels ou organisations ont refusé toute collaboration avec un tel gouvernement.
Ces décisions s’incluent dans une politique d’ensemble marquée par le démantèlement des services publics, une désintitutionnalisation avec externalisation des prises en charge et un désengagement fort de l’état dans l’accompagnement des populations vulnérables. Le renforcement du libéral et des réseaux, l’appui sur les généralistes, la dépendance des autres professions sont parmi les mesures prises. La mise à mal des psychologues n’est qu’une modalité de cette politique.
Cela indique que c’est un combat au long cours qu’il nous faut mener. Cette lutte porte bien sûr sur les dispositifs conviant les psychologues à une place inique. Elle porte aussi les modalités de fonctionnement des plateformes diagnostiques ou d’orientation dans lesquelles les psychologues sont réduits à des fonctions de psychométriciens. Elle porte encore sur les projets de formation de la profession qui se profilent sous la coupe de tel ou tel ministère ou de telle autre profession. Elle implique la défense de son inscription dans le champ des sciences humaines et le pluralisme de ses références. Elle pose une qualification nécessaire au niveau d’un doctorat sur le modèle LMD. Elle porte sur la revalorisation des salaires et les renégociations nécessaires des conventions. Elle porte sur les fonctions de responsabilités que devraient exercer les professionnels. Elle envisage une place conséquente de la déontologie en appui sur une représentation de la profession. Elle vise à favoriser une organisation de la profession qui lui permette de définir les qualifications nécessaires et de définir les projets d’établissement la concernant. L’assurance du maintien de l’indépendance de la profession, de sa reconnaissance, de conditions d’exercice décentes se fera par la continuité de cette lutte.
Pour conclure, nous, psychologues, sommes touchés au cœur de notre métier, de ce qui fait notre déontologie et notre éthique. Ces mesures, traduisant une volonté de refonte de notre profession, menacent de surcroît la fonction sociale de pacification et de régulation que nous opérons dans la société.
L’accès libre aux psychologues sans assujettissement médical s’appuie sur l’appartenance aux sciences humaines en référence à un pluralisme épistémologique. Les études randomisées confirment l’efficacité des diverses méthodes et leur complémentarité. Il n’y a plus lieu de privilégier tel courant plutôt que tel autre. La clinique doit être le point d’orientation des interventions pertinentes. Ce renforcement présuppose un doctorat professionnalisant de trois ans pour acquérir les compétences professionnelles nécessaires au travers de stages rémunérés. Une organisation cohérente nationale de la profession est la garantie à la fois d’approches psychologiques de qualité pour le public mais aussi une défense efficiente de la profession. Elle pourra soutenir non seulement la revalorisation salariale tant dans la fonction publique que dans le privé. Elle permettra le recrutement conséquent en regard des besoins de la population. Elle aidera à la reconnaissance officielle de postes de psychologues avec responsabilité. Elle pèsera suffisamment pour favoriser une formation à la fois académique, portée par la recherche, et une formation professionnelle, référée aux interventions de terrain.
Des générations de psychologues se sont battus pour obtenir une progressive reconnaissance, des générations à venir auront à combattre pour faire reconnaître les compétences des psychologues. Nous nous battons aujourd’hui pour refuser les assignations rétrogrades que l’on tente de nous imposer.
Etre psychologue est un sport de combat !
Patrick-Ange Raoult, Secrétaire général