Lettre ouverte au ministre de la Santé et des Solidarités, François BRAUN

François BRAUN, ministre de la Santé et des Solidarités, à l’Assemblée nationale le 08 mars 2023 : 

« Depuis le mois d’avril 2022, le dispositif MonParcoursPsy permet aux personnes en souffrance psychique de bénéficier de 8 séances totalement remboursées chez un psychologue conventionné avec l’Assurance Maladie. J’entends régulièrement ceux qui critiquent le dispositif en disant qu’il ne sert à rien. 372 000 séances ont été prises en charge depuis sa création. Il faut s’en réjouir, faut-il s’en satisfaire ? Non, ce n’est pas assez. Il faut encore aller plus loin. Et je tiens à prendre le temps ici pour avoir un mot pour les 2195 psychologues qui s’engagent pour nos concitoyens via leur implication dans MonParcoursPsy, je les en remercie. Je dénonce par contre avec fermeté les tentatives de déstabilisation et d’intimidation dont ils sont victimes de la part de certaines organisations et syndicats, qui ne reconnaissent pas les critères d’éligibilité des psychologues volontaires. Ces violences sont inadmissibles, elles nuisent in fine à l’accès aux soins des Français. MonParcoursPsy a déjà prouvé toute son efficacité en permettant d’offrir rapidement une première réponse tout en permettent une orientations vers des soins plus spécialisés en cas d’indicateurs de gravité. Cette modalité de prise en charge est particulièrement adaptée aux situations d’interruption spontanée de grossesse ».

Monsieur le ministre de la Santé et des Solidarités,

Nous avons suivi avec attention vos propos au sein de l’hémicycle ce mercredi 8 mars lors de l’examen de la proposition de loi d’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche.

La stupeur passée, nous avons ressenti, et ressentons toujours, une indignation insupportable.

Le Syndicat National des Psychologues représente et défend la profession de psychologue, la qualité de prise en charge du soin psychique en France, et le public depuis plus de 70 ans. Nous défendons tous les psychologues, quel que soit leur choix de faire partie d’un dispositif de conventionnement ou non. Faire croire que nous pourrions nous en prendre à nos collègues est honteux et diffamatoire.Le SNP fait partie des garants de l’éthique et de la déontologie des psychologues, qu’il promeut dans de nombreuses actions. Or, Monsieur le ministre, c’est bien notre éthique et notre déontologie que vous avez bafouées dans votre intervention. Les psychologues ne peuvent souffrir des attaques injustifiées et diffamatoires que vous avez énoncées, de surcroît, devant la représentation nationale.

Vous considérez visiblement, et voulez faire croire au public, que nous serions une profession n’ayant ni conscience de ses responsabilités, ni conscience de ses devoirs, et encore moins conscience du bien commun qu’est l’accès aux soins. Le bien commun est pourtant l’essence même de notre métier monsieur le ministre, et nous le prouvons tous les jours sur nos différents lieux d’intervention. 

Nous le prouvons, Monsieur le ministre, dans la Fonction Publique Hospitalière, où nous contribuons à alléger les souffrances psychiques des patients en services somatiques, comme auprès des usagers de la psychiatrie dans les CMP que vous laissez partir en décomposition, comme dans les services d’hospitalisation pour lesquels vous cautionnez les réductions de lits et le manque de personnel. 

Nous le prouvons, Monsieur le ministre, au sein des CMP enfants et adolescents, ceux-là mêmes où l’on peut attendre jusqu’à 2 ans pour obtenir un rendez-vous. A ce propos, le saupoudrage de 800 postes en CMP annoncé lors des assises de la santé mentale et de la psychiatrie se fait attendre. 

Nous le prouvons, Monsieur le ministre, en nous investissant tous les jours auprès des adolescents en souffrance de notre pays, en espérant que nous pourrons contribuer à éviter l’hospitalisation à ceux qui vont le plus mal. En effet, faute de lits, ils sont bien trop souvent hospitalisés dans des services de psychiatrie adulte déjà saturés, avec des patients aux pathologies mentales chroniques lourdes. 57 % de passages aux urgences pour des motifs psy en plus pour nos adolescents. Nous attendons toujours votre réaction face à ce scandale sanitaire, Monsieur le ministre.

Nous le prouvons, Monsieur le ministre, dans les services de santé étudiants, ces services dans lesquels lors de la crise du covid votre prédécesseur a annoncé la création de seulement 80 postes de psychologues, postes que vous n’avez pas pris la peine de pérenniser. 25 % d’étudiants suicidaires en plus… Pendant cette période d’angoisse généralisée, lors des premiers confinements, nombre d’entre nous se sont inscrits sur des plateformes d’écoute, offrant gratuitement leurs services d’écoute et de soutien aux personnels de santé et à tout Français le nécessitant.

Nous le prouvons, Monsieur le ministre, dans nos cabinets privés, au sein desquels nous recevons jour après jour des personnes en souffrance qui nécessitent et méritent mieux que les 8 séances low cost, rémunérées à un tarif irrespectueux pour les professionnels. Une réalité bien différente de celle que vous vendez au travers de « MonParcoursPsy », une réalité que vous refusez de connaitre, puisque vous refusez de nous entendre, et d’entendre les 93 % des psychologues libéraux qui boycottent ce dispositif.

Nous le prouvons, Monsieur le ministre, dans les établissements médico-sociaux où nos collègues travaillent chaque jour dans des structures au financement instable, dans des IME ne pouvant accueillir tous les enfants le nécessitant, dans des CMPP en voie de décomposition, dans des CSAPA aux capacités d’accueil trop limitées etc.

Nous le prouvons, Monsieur le ministre, lorsque nos collègues de métropole partent plusieurs semaines dans les DROM COM pour soutenir les malades, les familles, les soignants durant la crise du covid. 

Vous voyez Monsieur le ministre, au travers de cette liste loin d’être exhaustive, les psychologues qui exercent auprès d’enfants, d’adolescents, de personnes âgées dans des secteurs très différents comblent comme ils peuvent des difficultés d’accès aux soins croissantes que vous entretenez et  ne considérez pas.

Vous préférez visiblement vous autocongratuler de la mise en place d’un dispositif inadapté à grand renfort de statistiques sans contextes et sans analyse. Pourtant, les indications permettant aux patients d’entrer dans ce dispositif empêchent l’accès à la majorité des personnes ayant besoin de nous. « L’adressage » empêche l’accès à bon nombre de personnes souhaitant nous consulter.
Les 8 séances proposées ne correspondent pas à la réalité, et ne sont qu’une demi réponse, comme un médecin qui ne prescrirait que des demi-traitements. 

Il est bien plus simple, monsieur le ministre, de dénigrer une profession majoritairement en désaccord avec votre politique et celle de votre prédécesseur, que d’accepter la contradiction, le débat en recevant ses représentants, préférant le mépris à l’écoute des réalités du terrain. 

Le syndicat national des psychologues n’a d’autres préoccupations que la défense et le soutien du public en lui garantissant des prises en charge qui soient à la hauteur de leur demande et sans instrumentalisation de la souffrance humaine pour faire passer d’autres enjeux. 

Aussi, nous vous demandons, Monsieur le ministre, une audience de façon urgente et que les  communications publiques ultérieures au sujet de ce dispositif restent respectueuses et éloignées d’attaques mensongères. 


Le Bureau National du Syndicat National des Psychologues