Monsieur le Délégué Ministériel à la Santé Mentale et à la Psychiatrie,
Vous avez sollicité le Syndicat National des Psychologues pour qu’il fasse partie du comité de suivi du dispositif
« MonParcoursPsy ». Afin d’évoquer et d’expliciter les modalités connues du fonctionnement de ce comité, vous avez proposé une rencontre au Secrétaire Général du SNP qui s’est donc rendu il y a peu au ministère, pour échanger avec vous autour de cette question.
Le syndicat a en effet considéré qu’il était utile d’échanger autour de ce comité pour qu’ensuite, nos principales instances puissent en débattre démocratiquement, et statuer sur la suite à donner à votre sollicitation de participation.
Comme cela vous a été rappelé, le SNP a décidé de boycotter ce dispositif dès l’annonce par le Président de la République de sa mise en place, lors de la clôture des Assises de la Santé Mentale et de la Psychiatrie, le 28 septembre 2021.
Pour rappel, des échanges étaient encore en cours au sujet de susceptibles remboursements des séances des psychologues libéraux lorsque cette annonce du Président de la République est intervenue pour trancher sur des éléments qui étaient alors encore en discussion et en débat. Cela a témoigné d’un mépris total pour notre organisation et bien d’autres, et pour notre profession.
L’ensemble des éléments constitutifs de ce dispositif va à l’encontre de ce qu’a défendu et ce que défend toujours notre syndicat.
Si l’idée d’oeuvrer dans le sens d’un remboursement de séances chez un(e) psychologue est louable, les modalités retenues pour ce dispositif ne correspondent pas au cadre d’une prise en charge en libéral, instaurant un faux-semblant préjudiciable au public concerné.
La prise en charge de séances avec un psychologue existe déjà, et ce, depuis 1960. Elle se trouve dans le service public de psychiatrie, laissé à l’abandon voire en lambeaux, par les derniers gouvernements, y compris l’actuel, malgré des effets d’annonce qui ne tiennent pas compte de la réalité. Les 800 ETP annoncés pour renforcer les CMP ne représentent même pas un mi-temps de psychologue par établissement. Aujourd’hui, le service public ne peut abonder les demandes croissantes d’une population actuellement en grande souffrance psychique suite aux événements lourds des dernières années notamment.
« Monparcourspsy », ne fait que conduire les personnes qui auraient besoin d’un soin pris en charge en structures publiques à basculer vers le secteur privé.
Ce dispositif, par son fonctionnement même, valide ce qui est combattu par la profession depuis son origine : une prescription médicale inutile et véritable frein pour le public. La particularité de notre profession est de n’être ni médicale, ni paramédicale mais ancrée dans les sciences humaines. Le travail d’articulation et de collaboration avec les médecins pourrait tout à fait se faire, et se fait déjà, avec intelligence dans le respect des exigences professionnelles de chacun(e). Les exigences déontologiques des psychologues et leur formation universitaire leur permettent de circonscrire et d’orienter vers un médecin psychiatre si nécessaire.
Ce dispositif méprise les psychologues en leur offrant une rémunération indigne, qui ne peut les conduire qu’à travailler dans des conditions qualitatives très amoindries, en termes de durée et nombre de séances, laissant les personnes les plus précaires, qui sont pourtant ici visées en priorité, face à leur souffrance psychique.
Nous pourrions continuer ici à déployer la liste des raisons qui nous poussent, comme 93 % des psychologues libéraux, à boycotter ce dispositif. Mais ces arguments, vous les connaissez déjà.
Ils vous ont, par ailleurs, été rappelés par le Secrétaire Général du SNP. Nous ajouterons enfin les propos récents dégradants et diffamatoires du ministre de la Santé et de la Prévention devant la représentation Nationale, qui ne nous conduisent pas à envisager un travail en confiance a priori.
Le comité de suivi auquel vous nous proposez de participer, et mentionné dans le décret de MonParcoursPsy (article 3 du décret n° 2022-195 du 17 février 2022) a été écrit par les principaux promoteurs de ce dispositif : la délégation que vous représentez, ainsi qu’une seule organisation de psychologues restée à la table des discussions, et qui de fait, cautionne ce dispositif.
Il s’avère que ce comité d’évaluation, dans ses modalités de représentativité telles qu’elles existent dans le décret, ne permet pas à notre sens, de faire une évaluation juste et impartiale de ce dispositif. De plus les modalités de travail évoquées (analyses quantitatives et qualitatives),
focalisées uniquement sur les psychologues et les patients intégrant le dispositif, mettent totalement de côté les raisons qui poussent 93 % des psychologues à ne pas l’intégrer.
Cette évaluation comporte donc un versant éminemment politique, et c’est cet aspect qui semble venir ici polariser les orientations de ce comité d’évaluation, qui risque de passer complètement à côté des véritables enjeux actuels de la santé mentale en France.
Devant de tels constats, le SNP ne peut se faire instrumentaliser, et pour éviter toute évaluation
potentiellement biaisée, il ne peut envisager de participer à ce comité de suivi que si les conditions suivantes lui sont garanties :
• une publicité de l’ensemble des débats du comité
La profession dans son intégralité doit pouvoir avoir accès à ces échanges. La transparence est une exigence démocratique.
• une représentativité plus équitable et juste de la profession par des auditions élargies, notamment des psychologues qui sont sortis du dispositif, et des psychologues libéraux qui ne sont pas entrés dans le dispositif, dont l’analyse et l’expertise sont à prendre en compte.
Ces auditions élargies devront également permettre aux organisations de psychologues qui ne siègent pas au comité d’évoquer leurs analyses et les chiffres en leur possession.
• des propositions par le SNP de personnes qualifiées parmi les membres de ce comité prévus par décret
• une possibilité réelle de contribuer à l’élaboration des études quantitatives et qualitatives.
Le Syndicat National des Psychologues rend public ses attentes et ce courrier que nous vous transmettons, et attend de même une réponse publique de votre part à ce sujet.
Nous espérons cette fois-ci être entendus, et attendons votre réponse.
Veuillez accepter, Monsieur le Délégué Ministériel à la Santé Mentale et à la Psychiatrie, nos respectueuses salutations.
A Paris, le 24 mars 2023
Pour le Bureau National du SNP
Florent SIMON
Secrétaire Général du SNP