La disparition des psychologues : acte II 

L’institut Montaigne, qui se décrit lui-même comme « un think tank de référence en France et en Europe » ainsi qu’: « un espace de réflexion indépendant au service de l’intérêt général » continue de tenter d’effacer les psychologues du paysage de la santé mentale. 

L’acte I 

débute par le rapport publié en 20201 qui laissait déjà présager du pire au regard des différentes propositions du rapport : « réhabiliter la place de la médecine générale dans la prise en charge des troubles psychiques fréquents », « doter les médecins généralistes d’outils cliniques faciles et rapides à utiliser pour détecter de façon systématique les troubles psychiques et les inciter à les utiliser » ou encore « permettre le remboursement des psychothérapies de ville délivrées par des psychologues cliniciens dont les diplômes auront été labellisés2 ». 

Ces propositions ont été très largement reprises par le ministère de la Santé et de la Prévention pour créer le dispositif Mon soutien psy que le SNP et plus de 93 % des psychologues du pays boycottent et dénoncent avec force.

L’acte II 

implique la mise en place d’un nouveau dispositif s’appuyant sur un modèle de soins collaboratifs développé à l’université de Washington où les psychologues sont tout à fait associés comme des partenaires de soins, contrairement à la proposition telle qu’elle est reprise en France. Ce dispositif innovant devra ainsi permettre « d’adapter l’offre de soin » :
le dispositif SESAME3 (Soins d’Equipe en SAnté MEntale) considéré comme complémentaire à Mon soutien psy, a pour objectif principal de “renforcer” le médecin généraliste par la constitution d’une équipe de soins en santé mentale autour du patient. C’est en réalité l’infirmier coordinateur qui est au centre du dispositif et qui aura des contacts fréquents avec le patient.

Ce parcours comprend : 

-une phase de dépistage réalisé par le médecin généraliste à partir de la passation d’échelles cliniques ;

-une évaluation par l’infirmier SESAME puis une phase active de prise en charge ;

-une phase de prévention des rechutes également menée par l’infirmier SESAME, puis sortie du dispositif.  

Le médecin généraliste est étroitement impliqué dans la prise en charge du début à la fin. 

Ce dispositif réussit un véritable tour de force : faire disparaître les psychologues d’un modèle de prise en charge en santé mentale. Ces derniers sont tout à fait marginalisés dans leur intervention et sous coupe médicale, bien loin de l’autonomie qui est inhérente à notre profession. Mais cela va plus loin encore avec l’effacement même de la profession et de sa spécificité. 

Ce dispositif est ici paradigmatique et met en avant une évolution extrêmement inquiétante des politiques publiques autour des soins psychiques. 

D’abord, il est à noter que les principaux promoteurs de ces projets ne sont pas des professionnels de terrain aguerris, mais bien des chargés d’études ou des hauts fonctionnaires qui n’ont aucune expérience en matière de prise en charge et de soins psychiques. 

Ensuite, la construction même du dispositif est tout à fait interpellante. Sous couvert de vouloir faussement simplifier les soins, on en complexifie largement l’accès. La nécessité de passer par une consultation avec le médecin généraliste est un frein considérable à l’accès aux soins, comme le démontrent des études internationales récentes. 

Enfin, les glissements de compétences opérés par le dispositif au profit des médecins généralistes et des infirmiers, relèvent bien des compétences initiales des psychologues, dont la formation de haut niveau en psychologie garantit l’expertise en matière de diagnostic psychologique et de soins psychiques. 

Ce dispositif parvient donc à réunir tous les éléments problématiques que la profession et le Syndicat National des Psychologues dénoncent depuis des mois comme des nouvelles procédures de soins de piètre qualité qui ne garantissent et ne permettent aucunement de répondre aux besoins massifs du public. 

Cette vision hiérarchisée et séquencée des soins psychiques, élimine la complexité des prises en charge et une réelle reconnaissance du travail pluridisciplinaire où les psychologues ont toute leur place. 

Nous appelons à nouveau à cesser la mise en place de dispositifs qui morcellent le soin et ne permettent aucunement une prise en charge globale et holistique des personnes et qui, de plus, focalisent des moyens financiers qui devraient être redéployés dans les services publics de toute urgence. 

Nous appelons à une politique globale autour des soins psychiques qui permettrait de répondre aux besoins du public, et qui serait construite et menée avec les acteurs de terrain que sont notamment les psychologues. 

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1    https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/sante-mentale-faire-face-la-crise-etude.pdf

2  C’est nous qui soulignons.

3  https://www.institutmontaigne.org/ressources/pdfs/publications/operation-speciale-soins-collaboratifs-en-sante-mentale-le-modele-sesame.pdf