Communiqué : La grande illusion, la suite

Dès le dépôt à l’Assemblée Nationale de la proposition de loi (PPL) sur la création d’un ordre des psychologues, le SNP a réagi en dénonçant dans un premier communiqué (1) Ce projet construit dans le dos de l’ensemble des organisations ; la totalité de ces dernières se positionnant clairement contre une solution ordinale. 

Ce deuxième communiqué veut mettre en lumière les nombreux éléments problématiques concernant cette proposition de loi et l’idée même d’un ordre des psychologues. 

Le contexte de la PPL 

La proposition de loi sur l’ordre des psychologues (2) s’inscrit dans la continuité d’une proposition de résolution (3) (PPR) déposée par le même groupe de députés (seul l’ordre des noms dans la liste a été modifié) qui soutient la politique du gouvernement au sujet de la santé mentale. Il n’y a pas de hasard ici, seulement une stratégie au niveau politique. 

Ces deux propositions doivent s’entendre dans la droite ligne des éléments contenus dans le rapport IGAS paru en 2019. De plus, dans la PPR, nous pouvons identifier les propositions de la Fondation FondaMental, qui milite pour évincer la diversité des approches pour ne privilégier que certaines d’entre elles. Nous notons par ailleurs, la présence parmi les signataires, des députés qui ont soutenu et fait la promotion du dispositif Mon Soutien Psy. Tous ces éléments témoignent très clairement d’un projet politique global qui attend les psychologues. 

À l’origine de ce projet de loi, deux associations en marge de la profession qui ont décidé, seules, d’imposer à l’ensemble de la profession leur vision d’une structuration sur un mode ordinal. 

Les concertations sont évincées, les échanges du CERéDéPsy sont balayés, alors même qu’il comprend 23 organisations de psychologues qui travaillent sur une autre possibilité de structuration. La démocratie et les débats nécessitent effectivement du temps et il faut aussi se situer dans des champs et des approches différentes, souvent en tension, mais toujours avec le souci de préserver le dialogue.

Les promoteurs de cette PPL font abstraction de ceux qui n’ont pas la même opinion qu’eux en prétextant que la majorité silencieuse souhaite un ordre.

Cette PPL, véritable passage à l’acte, est incohérente avec une bonne volonté affichée de respect de chacun et des diversités théoriques et méthodologiques. Le court-circuitage du travail collectif ne peut être considéré autrement que comme une tentative de prise de pouvoir sur la profession. 

Le contenu de la PPL 

De nombreux éléments posent ici problème dans le contenu même de la PPL, quelques exemples non exhaustifs : 

  • le rattachement au Premier ministre : c’est bien sûr une évolution par rapport à la dernière proposition de loi sur l’ordre déposée en 2021 par Julien AUBERT. Néanmoins, cette option ne protège aucunement la profession de quoi que ce soit. Rien ne garantit que les services du Premier ministre ne puissent déléguer à terme ce rattachement au ministre de la Santé pour la gestion globale des problématiques de santé mentale, ce qui constituerait, de fait, un danger gravissime de paramédicalisation de notre profession. Par ailleurs, c’est actuellement le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) qui est le ministère de tutelle des psychologues et cela n’a pas empêché les tentatives répétées de paramédicalisation de la profession par les ministres de la santé qui se sont succédés ces dernières années. Le rattachement au Premier ministre ne sera pas plus protecteur pour éviter la paramédicalisation.
  • Les positionnements différents entre syndicat et ordre : la PPL évoque le travail avec les pouvoirs publics et le fait que l’ordre sera un interlocuteur désigné. Il est évoqué qu’il pourra “se prononcer sur l’ensemble des sujets impliquant la profession”. Il y a là un danger important car les missions de l’ordre sont clairement différentes de celles des syndicats. 

Les syndicats → ils soutiennent les psychologues en difficulté et ils défendent un certain nombre de revendications pour la profession et négocient et échangent avec le gouvernement et/ou avec les employeurs.

Les ordres → ils ont un pouvoir disciplinaire sur les psychologues et répondent aux commandes de l’État, ils sont responsables de l’application des règles relatives à l’exercice de la profession. 

Dès lors, faire croire que c’est un ordre qui va se charger de la protection de l’exercice et de la profession est malhonnête intellectuellement ! 

  • La recherche d’une unique organisation pour négocier : on note ici une entreprise particulièrement inquiétante qui peut conduire à des positionnements univoques, sans contrepoints. Notre profession est riche de sa diversité et cette dernière doit pouvoir être représentée dans son ensemble et à partir de tous les champs d’exercice des psychologues. Une seule organisation pour négocier est un non-sens. 
  • Un ordre sans loi pour la protection de l’exercice : les rédacteurs de la PPL pensent que l’ordre pourrait répondre à l’ensemble des problèmes actuels de la profession. Le titre de psychologue est protégé mais pas l’exercice. L’ordre, en tant qu’organe administrateur, ne pourra pas créer une loi sur la protection de l’exercice, il ne pourra qu’éditer des guides de recommandations ou de bonnes pratiques. Par ailleurs, il est tout à fait possible qu’une telle loi puisse s’appliquer sans ordre ; certaines professions parviennent à édicter et faire respecter des règles professionnelles sans pour autant recourir à un ordre. La priorité est donc avant tout de protéger l’exercice, ce à quoi le SNP travaille intensément depuis plusieurs mois. 
  • L’absence de pluralité des approches : la pluralité des approches et des méthodes est un des éléments les plus importants pour l’identité de notre profession et elle ne peut aucunement être garantie par un ordre. En effet, le procédé électoral proposé dans la PPL ne pourra pas garantir une représentativité équitable à chaque approche, de même  que des élections ne peuvent garantir la parité femmes/hommes par exemple. Ainsi, un ou plusieurs courants pourraient se retrouver en position de force et imposer certaines pratiques à l’ensemble de la profession ou en interdire d’autres. La pluralité des approches doit être absolument garantie !
  • Carte blanche à l’ordre : la possibilité de changer le règlement de l’ordre, c’est-à-dire ce qui structure son fonctionnement, à partir d’un vote à la simple majorité absolue correspond ici à un fonctionnement profondément antidémocratique et qui peut facilement glisser vers un entre-soi teinté d’autoritarisme. Il sera très aisé de modifier le règlement et ainsi transformer l’ordre en ce que souhaiteront ses dirigeants. Aucune organisation démocratique (associations, syndicats…) ne fonctionne de la sorte. Changer très facilement les règles en cours de mandat n’est pas une option démocratique. 

La lecture de la PPL fait apparaître que la profession est parvenue à se structurer au fur et à mesure du temps : d’abord, le titre de psychologue (1985), le statut des psychologues dans la Fonction Publique Hospitalière (1991), le statut des psychologues à la Protection Judiciaire de Justice (1996) puis pour l’ensemble du Ministère de la justice (2021) ou encore le corps des psychologues de l’Education Nationale (2017). 

Les rédacteurs oublient de dire que le SNP a largement travaillé et participé très activement avec d’autres organisations à ces différentes évolutions et a permis la création de repères légaux et législatifs pour la profession. 

Cette PPL sur la création d’un ordre omet également de préciser que cela exige la soumission de l’ensemble des psychologues aux compétences multiples de l’ordre qui s’impose ainsi comme groupement obligatoire et auquel il sera nécessaire de cotiser pour pouvoir exercer. Il se veut seul interlocuteur auprès de l’État répondant à la demande de celui-ci pour simplifier ses prises de décision, État qui éviterait ainsi de s’affronter aux complexités d’une profession plurielle dans ses champs et ses références théoriques.

Cette PPL joue sur l’illusion d’une mise en ordre dans la profession en occultant toutes les incidences délétères de ce type de structuration.

Le SNP soutient la pétition lancée en 2021 par le collectif POP et qui vient d’être réactualisée par rapport à cette nouvelle proposition de loi. Nous appelons tous les psychologues qui le souhaitent à la signer afin de pouvoir montrer aux parlementaires que la structuration de la profession doit passer par les psychologues et les organisations de psychologues et non par quelques personnes autoproclamées. 

LIEN PÉTITION 

Le SNP poursuit son travail autour des repères légaux et législatifs de la profession, pour les renforcer et les compléter car cela est absolument nécessaire actuellement. La défense du public est, depuis l’origine du SNP, un de ses fondements. 

Alors rejoignez-nous pour participer et poursuivre la lutte pour notre profession !