Cette phrase, prononcée par le Président de la République, lors de son allocation en clôture des Assises de la Santé mentale et de la Psychiatrie en septembre 2020, a constitué une véritable provocation pour les psychologues et une attaque inadmissible. Le chef de l’État y véhicule un poncif, une représentation éculée selon laquelle les psychologues vivraient très confortablement des revenus de leur profession, en donnant, au passage, une information erronée au public ainsi qu’aux décideurs politiques censés voter les lois concernant la profession.
Un salaire, c’est aussi une forme de reconnaissance. Et ici, les psychologues en manquent cruellement. Rappelons qu’ils étudient pendant cinq années à l’université et que beaucoup prolongent ces études par des formations personnelles longues, en lien avec les exigences déontologiques du travail avec le fonctionnement psychique des personnes. Ils sont les seuls à être des spécialistes en Sciences Humaines qui se réfèrent à la complexité humaine au travers de différentes approches. Un certain nombre de psychologues est également titulaire d’un Doctorat, ce qui implique a minima huit années d’études. N’oublions pas non plus la sélection forte qui s’opère pour l’entrée en Master avec un numerus clausus plus restreint que celui de la PASS (Parcours d’Accès Spécifique Santé) et qui implique également d’autres difficultés, puisque la sélection a lieu à la fin de la troisième année, laissant sur le côté des milliers d’étudiants.
Compte tenu de ces éléments, si nous regardons de plus près le salaire net approximatif (1) des psychologues à temps plein en début de carrière et dans certains champs d’activité, on ne peut que s’interroger sur le niveau très faible de leur rémunération.
Quelques exemples non exhaustifs :
Psychologue en Fonction Publique Hospitalière : 1730 euros net ou 1523 € sans complément traitement indiciaire
Psychologue en Fonction Publique État Education nationale : 1898 euros net
Psychologue en Fonction Publique État Justice : 2150 euros net avec le ségur (183 euros) Convention Collective Nationale de 1951 : 1910 euros net avec le ségur (183 euros) Convention Collective Nationale de 1966 : 2475 euros net avec le ségur (183 euros) Psychologue en libéral : 1557 euros net (18 695 euros annuel/12)
Psychologue en libéral : 1557 euros net (18 695 euros annuel/12)
Les psychologues exercent dans de nombreux champs différents, mais ils ont en commun d’être tout à fait sous-payés au regard à la fois de leurs compétences, mais aussi et surtout de leur responsabilité envers les personnes qui viennent les consulter, et des équipes qu’ils accompagnent. Il est important de souligner que ces chiffres n’ont que très peu évolué depuis de très nombreuses années. Avec les années cumulées d’inflation, en plus d’être sous-payés, les psychologues ont perdu en pouvoir d’achat.
Depuis quelques années, les effets de cette rémunération très basse apparaissent de manière claire : il est de plus en plus difficile de pourvoir les postes de psychologues dans les services publics. La profession de psychologue devient progressivement une profession “en tension” qui connaît donc des difficultés de recrutement, ce qui est légitime au regard des bas salaires proposés.
De nombreux jeunes psychologues, cherchant à pouvoir vivre décemment de l’exercice de la psychologie, se tournent ainsi vers l’exercice libéral. Mais selon les derniers chiffres portant sur les revenus des professions libérales, la situation est tout aussi complexe.
Les psychologues sont parmi ceux qui déclarent les revenus les plus faibles parmi les professions libérales exerçant dans le domaine de la santé. Par ailleurs, il n’est pas si simple de se constituer une patientèle, et l’exercice de la psychologie demande des séances d’une durée longue, gage d’un accompagnement psychologique ou psychothérapique de qualité. Le nombre de consultations ne peut donc être multiplié sur une journée de travail s’il l’on veut avoir une pratique respectueuse du public, et également gage d’un travail qualitatif.
Le salaire des psychologues, quel que soit le champ d’exercice, est tout à fait inacceptable au regard de leur niveau d’étude et de leurs responsabilités.
Il est absolument impensable de continuer à précariser une profession aussi utile pour la population que le sont les psychologues. Nous notons d’ailleurs qu’il s’agit d’une profession largement féminisée, encore une fois concernée par un mauvais traitement salarial.
Nous demandons l’ouverture urgente de discussions générales portant sur les salaires et la rémunération des psychologues, profession essentielle dans sa participation à une politique de santé publique au plus près des besoins pour l’ensemble de la population.
1 Les salaires nets donnés ici sont approximatifs au regard des multiples variables qui existent et qui peuvent entraîner une variation du montant (net social, taux des charges différent selon fonction publique ou non, etc.).