Edito 283 Dépasser les bornes

La profession ne peut que s’interroger : les psychologues ont été pendant de longues années absents du discours et des actes des politiques. Ils étaient invisibilisés, scotomisés. Un angle mort, pas plus.

Quoique dommageable quand il s’agit de penser les politiques publiques liées à la santé ou à l’éducation, l’absence de référence à la profession avait pour intérêt principal de la laisser hors de tout champ et donc, par la même, loin de toute attaque ou réforme brutale voulue par un gouvernement.

La pandémie que nous avons connue, en mettant en lumière le mal être d’abord des étudiants, et des adolescents, puis de l’ensemble de la population, a favorisé un effet de centration sur la santé mentale, plus particulièrement sur la santé psychique. Des dispositifs, tantôt inefficaces, tantôt maltraitants, parfois les deux, ont ainsi fleuri à l’initiative d’un gouvernement plus préoccupé par leur mise en place précipitée que par les principaux acteurs qui y sont parties prenantes : les psychologues et le public.

Alors même qu’une réflexion avec la profession autour d’une politique globale liée aux soins psychiques de la population eut été salutaire, c’est à nouveau l’invisibilisation qui frappe la profession. Les soins psychiques semblent donc exister sans acteurs de terrain, sans professionnels formés, sans psychologues donc. L’ensemble des décisions sont prises de manière opaque, clairement sous-tendues par une idéologie en déconnexion des enjeux du terrain.

Après ces attaques fortes envers les fondements de notre profession, l’ultime estocade est là : la réforme de la formation avec la création d’une sixième année pour les psychologues. Bien loin du doctorat professionnel que défend le SNP depuis de nombreuses années, cette sixième année s’inscrit dans une stratégie globale du gouvernement : celle de fracturer la profession. Il y aura alors deux catégories de psychologues : celles et ceux qui passeront par cette sixième année et qui seront estampillés MonParcoursPsy, les psychologues émanant du ministère de la santé et celles et ceux qui refuseront de prendre ce chemin et qui seront progressivement mis en minorité. Le titre unique de psychologue court donc un grand danger car le gouvernement a décidé de dépasser les bornes dans tous les sens du terme : d’abord, les véritables éléments qui bornent la formation des psychologues (le Master) mais surtout le seuil de tolérance d’une profession exsangue, précarisée et mise à rude épreuve ces derniers mois.

Les psychologues n’ont jamais été autant en danger, les attaques pleuvent de tous coté et les fondements de notre profession ne seront bientôt plus que de vagues souvenirs remplacés par des psychologues estampillés « MonParcoursPsy » pour lesquels on peut craindre la mise en place d’une formation en dehors des sciences humaines et donc, sous tutelle médicale.

Ce que nous avons connu jusqu’alors s’apprête à être profondément remis en cause ce qui aura des conséquences majeures pour la profession, conséquences impossibles à évaluer tant les effets seront nombreux.

Il subsiste une solution. Celle de se rassembler, de se structurer, de penser les stratégies de manière collective et de lutter pied à pied, ensemble, pour tout ce que nous défendons à savoir une profession autonome, indépendante, qui ne soit pas paramédicalisée et qui choisisse ses propres outils et ses propres méthodes. Il n’est plus temps de tergiverser, la profession doit se rassembler et agir avant qu’il ne soit trop tard et que ne disparaissent l’ensemble des éléments qui en fondent l’existence.

C’est ce choix auquel est confronté chaque psychologue, quel que soit son champ d’exercice, ses orientations théoriques ou sa formation.

Si c’est l’union qui fait la force, alors vite, unissons-nous et luttons ensemble !

FLORENT SIMON,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SYNDICAL NATIONAL DES PSYCHOLOGUES

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