RETRAITE, LA PÉNIBILITÉ INVISIBILISÉE ! LES PSYCHOLOGUES VOUS ALERTENT

Après avoir abondamment fait appel aux notions de santé mentale et de souffrance psychologique en période post-covid, notre gouvernement fait désormais silence sur la dimension psychique du travail dans sa proposition de réforme des retraites, notamment en ce qui concerne la pénibilité. Pourtant, nous sommes nombreux.ses, nous, psychologues, quel que soit notre champ d’exercice (social, santé, éducation, travail, justice…), à entendre nos concitoyen.ne.s parler de leur épuisement, de leur perte d’identité professionnelle face aux exigences de compétitivité, de productivité, de rendement, de polyvalence, de technicité et à des protocoles qui les éloignent de plus en plus du sens de leur métier. 

La « grande démission », dont les médias se font l’écho, ne traduit pas le plus souvent un « désamour » soudain des professionnel.le.s pour leur travail, mais une frustration insupportable de ne pouvoir déployer leur activité, d’être empêché.e.s de réaliser un travail de qualité, contraint.e.s à ce qu’ils/elles considèrent comme « ni fait ni à faire ». Quand l’insatisfaction, la culpabilisation individuelle face à des prescriptions ne tenant aucun compte des conditions réelles, le non-respect du soin apporté à leur tâche, en viennent à mettre en jeu leur santé, beaucoup de salarié.e.s préfèrent partir. Seule issue qu’ils/elles trouvent dans une société libérale qui brise les collectifs. 

Comme nous le rappelle Cynthia Fleury (1) : « Beaucoup se verraient automates pour ne plus souffrir », mais la vulnérabilité est une vérité de la condition humaine. Et les conditions de travail peuvent soit en tenir compte et améliorer la vie de tout un chacun, soit en faire fi et écraser les individus. Dans ce contexte de protocolisation et de technicisation massive, les psychologues s’étonnent qu’on puisse encore aujourd’hui réduire la notion de « pénibilité » à la question des corps meurtris sans tenir compte des psychismes malmenés. 

Définition de la « pénibilité » qui, en outre, semble encore et toujours renvoyer aux métiers physiques, manuels et masculins en laissant de côté la dimension de la charge mentale qui caractérise souvent les professions féminines. Pas pénible l’emploi de l’auxiliaire de vie qui travaille très tôt le matin sur des tranches de deux heures pour trois personnes différentes sur des lieux éloignés ? De l’auxiliaire de crèche ? De l’enseignante ? De la secrétaire qui jongle entre plusieurs postes et est continuellement interrompue dans sa tâche ? Toutes les professions dites du « care », plus largement de l’accompagnement, sont particulièrement concernées par la question de la charge mentale. 

Les troubles psychologiques sont la deuxième cause des arrêts-maladies en 2022 (20 % des arrêts-maladies vs 11 % en 2016) (2). N’est-ce pas suffisant pour élargir la définition de la pénibilité ? La population ne devient pas plus folle, elle s’épuise à chercher dans ses propres ressources les moyens de faire face. 

Alors que penser d’un accès à la retraite que ce gouvernement entend faire reculer sans tenir compte de la progression des épuisements professionnels, des démissions et de la pression psychologique que génèrent des organisations du travail délétères ? Charge mentale qui devient de plus en plus lourde face aux injonctions du « travailler plus à moyen constant », face au numérique qui envahit la sphère privée et invite le travail à la maison, face aux déplacements chronophages… Considérer la pénibilité du travail, c’est la considérer dans toutes ses acceptions. 

C’est pourquoi les psychologues vous alertent : n’aggravons pas davantage les dommages créés par notre société néolibérale avec une réforme des retraites qui, encore une fois guidée par l’aveuglement idéologique et les considérations macro-économiques, méprise les signes de souffrance au travail, méconnaît la singularité et la temporalité nécessaire à chacun et refuse d’entendre l’expertise de celles et ceux qui travaillent. 

Appel à la mobilisation et à la grève contre le projet des retraites du gouvernement ! 

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(1) « Le soin est un humanisme », Tracts Galimard, mai 2019 

(2) Revue Santé mentale, Septembre 2022