Une maltraitance des psychologues et des patients sciemment organisée !
C’était une promesse de la mesure 31 du Ségur de la santé : « renforcer l’offre de soutien psychiatrique et psychologique de la population », à travers notamment « l’accès à des consultations de psychologues en ambulatoire » dans les structures d’exercice coordonné. Dans son communiqué en date du 28 avril, le Ministère de la santé annonçait la mise en place de ce dispositif piloté par les ARS dont l’objectif est d’« améliorer la prise en charge de la santé mentale des Français » et « permettre la solvabilisation de consultations de psychologues pour la prise en charge d’états de souffrance psychique dans le cadre d’un parcours de soins coordonné par le médecin traitant ».
Impression de déjà-vu, la mesure est louable, cependant nous soulignons plusieurs points de profond désaccord de ce dispositif qui vient dupliquer le dispositif MonPsy en venant ajouter du flou et laissant la profession seule face aux patients pour fournir les explications. Tout d’abord, le dispositif prévoit, au sein des MSP et CDS, la prise en charge de dix séances, à l’issue desquelles une évaluation par un psychiatre permettra la reconduction éventuelle des séances dans le cadre d’un soutien thérapeutique ou une orientation vers un centre médico-psychologique ou toute autre structure si besoin. Ce psychiatre, ou le pédopsychiatre, libéral ou hospitalier, interviendra « dans les situations complexes d’emblée ou lors de la réévaluation d’un patient, notamment pour les troubles psychiques persistants ou non répondants à la prise en charge initiale ». La structure d’exercice coordonné (MSP ou CDS) identifie ainsi, dès la candidature au dispositif, les psychiatres « ressources » pour intervenir en cas de situations complexes, d’emblée ou pour les réévaluations. Nous ne cautionnons pas cette évaluation du psychiatre qui remet en cause les compétences professionnelles des psychologues, titulaires d’une formation master 2 en psychologie clinique, pour être retenus dans le dispositif. De plus, le système va se trouver très vite engorgé, voire bloqué, du fait du manque de médecins psychiatres sur le plan national et les patients empêchés de poursuivre leurs soins.
Le salaire proposé au psychologue sera de 2 600 euros nets par mois (soit l’indice 9 des psychologues de la Fonction publique hospitalière), pour un équivalent temps plein. En libéral, le dispositif prévoit une rémunération à hauteur de 22 euros brut par séance. En comparant les deux modes de rémunération, on s’aperçoit que le salariat serait plus avantageux puisque cela permet aux psychologues de gagner environ 17 euros net la séance, alors qu’en libéral, cela revient à 11 euros une fois les charges déduites (hors formation et supervision). Ce choix entre le salariat ou le libéral reviendra aux équipes, en lien avec le psychologue. Ce dispositif est encore plus méprisant pour la profession au niveau de la rémunération en libéral (le dispositif MonPsy prévoit une rémunération brute lors la 1ère consultation à 40€ et 30€ les suivantes).
Le cahier des charges publié début mai est très clair, dès son préambule, en indiquant que ce dispositif « doit être mis en place sans délai ». Il ne compte pas moins de 15 critères d’exclusion ! Cette mesure vise donc à améliorer la prise en charge de la santé mentale de certains français. En tant que psychologues, nous ne pouvons pas cautionner une telle discrimination et la mise en place d’une telle mesure en marche forcée sans concertation avec la profession.
Dans ce dispositif, à la différence du dispositif MonPsy, les ARS ne sélectionnent pas les psychologues volontaires mais ce sont les structures (MSP ou CDS) qui elles conventionneront avec des psychologues libéraux ou pourront salarier ceux qui vont privilégier ce mode de rémunération plus avantageux. Le piège de la para-médicalisation de la profession est ainsi refermé sur les psychologues qui se trouvent alors sous la coupe des associés de la SISA (structure juridique gestionnaire) composée d’au moins 2 professions médicales et une paramédicale.
Nombre de psychologues, sur le terrain, se trouvent déjà tenaillés dans des mouvements de pression les obligeant à adhérer à ce dispositif pervers qui les place dans une position passive. La liberté de conventionnement ou de salariat reste la règle pour tous les psychologues, mais pour les collègues déjà engagés au sein des MSP ou CDS, le positionnement devient de plus en plus délicat pour faire valoir le refus de ces dispositifs loués par la CPAM et les ARS à grand renfort de communication.
La Commission Exercice Libéral est à votre écoute si vous souhaitez nous faire part de situations préoccupantes. Le SNP a appelé au boycott du dispositif MonPsy et s’insurge également contre ce nouveau dispositif, nous resterons présents pour l’ensemble des psychologues et prêts à dialoguer, dans l’intérêt de la profession, avec tous les collègues qui adhérent ou s’opposent à ces dispositifs.