Luttes désespérées ou
servitude volontaire des psychologues
Le dispositif unifié mis en place par le gouvernement n’est qu’une étape centrale dans le bulldozer législatif visant au nivellement des psychologues. Une politique libérale de désinstitutionnalisation au travers d’un cadrage étatique instrumentalise les psychologues ravalés dans des positions de techniciens. Un discours lénifiant sur la prise en compte de la souffrance des français en vue des présidentielles masque mal à la fois un démantèlement des services publics et un démembrement des professions au profit d’une conception flexible des compétences.
Les psychologues se réveillent comme une profession morcelée, éclatée, dispersée dans des approches hétérogènes et des conceptions idéologiques opposées. Les fractures de l’histoire de sa construction infiltrent les relations entre organisations. L’impact délétère des luttes universitaires débutée de manière offensive en début 2000 a non seulement remodelé le profil et les repères théoriques des psychologues mais il s’est traduit par une inflation de manière inconséquente de jeunes diplômés. Le doublement de ceux-ci en 10 ans sur un marché déjà saturé, en concurrence avec des non diplômés, a induit une paupérisation structurelle de la profession. La multiplication des contrats courts type CDD dans les services publics, l’éradication progressive du médico-social, l’insuffisance des recrutements en médico-psychologique ont renforcé cet appauvrissement des professionnels. Il en a résulté une explosion du libéral, sans règle explicite, sans l’expérience ou les compétences assurées, selon une perception d’un certain libéralisme individualiste. Cette fragilité économique est le point d’appui du gouvernement pour trouver les exécutants nécessaires au Dispositif unifié. Mais ce libéralisme induit aussi la vigueur d’une opposition vive à un encadrement législatif.
Ce dispositif est l’occasion de conforter la dépendance des psychologues à la prescription médicale et le rabattement à des fonctions paramédicales. Il renforce la sous-tarification consacrée depuis plus de 30 ans. Ces orientations ont souvent été préparé par les cursus universitaires, sous des modes divers, en ne soutenant pas la prise de responsabilité institutionnelle.
De nombreuses organisations et de nouveaux collectifs émergents, malgré la fragilité intrinsèque des psychologues à la défense de la profession, se sont mobilisés. Les scissions théoriques et les intérêts spécifiques sont passés au second plan pour faire émerger le principe d’une identité professionnelle différenciée des identités théoriques et des identités d’appartenance. Atténuation temporaire au profit de convergences ou coordinations qui n’en sont pas moins des luttes territoriales. Peu d’organisations responsables minimisent la paramédicalisation, défendent la nuance sémantique de l’adressage, justifient l’absence d’accès direct et la sous-tarification, atténuent l’atteinte déontologique par des pirouettes rhétoriques et soutiennent le gouvernement en faisant croire qu’elles défendent la profession. Ces promoteurs de la servitude volontaire, souvent au service de lobbies universitaires conservateurs, sabotent délibérément, en quête de reconnaissance par le pouvoir en place, les intérêts de la profession. Ils instrumentalisent des psychologues désorientés, inquiets sur leur devenir, rétractés sur des conceptions étroites et peu conscients des enjeux globaux. A l’opposé des appels aux convergences défendent des options parfois contradictoires, une lutte générationnelle sur le terrain de la représentativité, une vision renouvelée de la profession. Les instrumentalisations ou les opportunismes réciproques font des alliances qui s’inscrivent aussi dans les enjeux politiques actuels.
La profession arrivera-t-elle à trouver quelques points communs centraux qui lui permette de défendre l’identité professionnelle en maintenant un boycott massif des dispositifs gouvernementaux ? Pourrait-elle avoir une vraie représentation dans les négociations sans trahison par des organisations opportunistes ?
Le SNP, toujours cohérent dans ses positions, convoquent à une double coordination : coordination des organisations et coordination des courants théoriques en vue d’une instance représentative pour construire un nouveau statut des psychologues référé à un niveau doctoral.
Patrick Ange Raoult, Secrétaire général