EHPAD : LES CAMERAS NE SONT PAS "LA" SOLUTION
Avez-vous entendu parler de la sylver économie ? Ce concept datant de quelques années recouvre l’« ensemble des marchés, activités et enjeux économiques liés aux personnes âgées de plus de 60 ans (la silver génération) » (définition Wikipedia). Ce nouveau marché a sa filière, soutenue par Mme Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé, et qui rassemble nombre d’acteurs : industriels, start up, fédérations médico-sociales, collectivités locales, organisme de protection sociale…
La filière Silver économie, donc, a commandé un rapport (remis le 21 novembre dernier) à une avocate et un philosophe, aidés de la Présidente du Haut conseil français de la télésanté et d’un professeur de médecine en CHU, Président d’un Gérontopôle. En plus de 70 pages, ce rapport analyse les avantages et les risques de la surveillance vidéo et des dispositifs de géolocalisation en Ehpad.
Il fallait bien cela pour démontrer que la pose de caméras en Ehpad peut porter atteinte à la dignité du résident.

Les auteurs recommandent donc de privilégier l’amélioration des mécanismes de la plainte pour les résidents ou leurs proches.
Concernant les dispositifs de géolocalisation, ils ne peuvent se justifier éthiquement que s’ils s’appuient sur le consentement éclairé de la personne concernée (consentement qui ne peut être donné une fois pour toutes !) et s’ils permettent de renforcer à la fois la sécurité et la liberté. Le rapport propose même de solliciter l’autorisation d’un juge ou d’une autorité administrative lorsque le dispositif est placé à même le corps de la personne, sans son consentement ni son assentiment.
La liberté d’aller et venir, que le Snp a soutenue en maintes occasions (voir par exemple P&P n°254, « Psychiatrie… et le psychisme dans tout ça! ») doit rester, en Ehpad aussi, une valeur primant sur la sécurité…
En écho
Presque au même moment (7 novembre 2019), la Cour de Cassation, contredisant en cela une jurisprudence antérieure, jugeait que la mise en œuvre d’une mesure d’isolement ou de contention ne relevait pas du juge des libertés et de la détention, car cette décision est de nature médicale. L’arrêt en question indique qu’« ‘il n’appartient pas au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la mise en œuvre d’une mesure médicale, distincte de la procédure de soins psychiatriques sans consentement qu’il lui incombe de contrôler ».
Sachant que la Feuille de route « Santé mentale et psychiatrie » préconisait, en juin 2018, de réduire le recours aux soins sans consentement, à l’isolement et à la contention…
Pour finir, en septembre dernier, le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (Hcfea) proposait, dans une annexe à son avis sur la terminologie du Grand âge, de remédier à l’image très négative et réductrice accolée aux Ehpad et à la dépendance en revoyant le vocabulaire qui les désigne. Le Hcfea souhaitait voir les nouveaux termes figurer dans la prochaine loi Grand âge et autonomie.
Les services de l’État et certains employeurs sont loin d’être convaincus.
Nous nous demandons si cela aura un effet positif sur les personnes concernées…

À lire aussi :
- Le Rapport El Komri : « Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand-âge 2020-2024 » et le discours d’Agnès Buzyn accompagnant la remise de ce rapport, octobre 2019
- L’enquête de Mediapart sur la privatisation des Ehpad publics : « Ehpad : des privatisations s’enclenchent à bas bruit », novembre 2019 (accès payant)