P&P n°254 : Psychiatrie et le psychisme dans tout ça ! (février 2018)

Partager

Le magazine complet

Les articles au détail

Lire la suite1,00

Rupture de stock

Lire la suite1,00

Rupture de stock

Lire la suite1,00

Rupture de stock

Lire la suite1,00

Rupture de stock

Lire la suite1,00

Rupture de stock

Lire la suite1,00

Rupture de stock

Lire la suite1,00

Rupture de stock

1,00
1,00

Aucun article

Cette édition du magazine n’a pas été déclinée en articles

Description

VOIR LE SOMMAIRE

 

Au moment où les psychologues siègent – enfin – au Conseil national de la santé mentale1 et au Comité de pilotage de la psychiatrie, mais aussi alors même que de nombreux postes de psychologues sont remis en cause dans les services tant hospitaliers qu’ambulatoires et que la psychopathologie est attaquée par les organicistes, il nous a semblé important de vous proposer ce dossier.

De la folie, considérée de l’Antiquité à la Renaissance comme manifestation divine ou diabolique, jusqu’à la maladie mentale, soignée par l’administration de médicaments psychotropes depuis moins de 70 ans, le sujet, atteint de, ce qu’on appelle suivant les époques, folie, trouble mental ou handicap psychique, a souvent été exclu de ses propres soins. La psychiatrie a en effet longtemps pratiqué lepudiquement nomméinterventionnisme pour le bien du patient – y compris sans son consentement – et elle n’a d’ailleurs, au vu de ce qui se passe dans certains services, sans doute pas totalement quitté cette posture. Tous les témoignages du quotidien de services de psychiatrie convergent : certains réussissent alors que d’autres arrivent difficilement ou même refusent d’accueillir les symptômes des patients autrement que comme des événements indésirables associés aux soins (Eias)2! De nombreux services ne se donnant plus le temps d’entendre les symptômes – et encore moins de les écouter – et occuper à les faire taire oublient facilement que ceux-ci sont liés à l’évolution naturelle de la maladie et donc pas susceptibles d’être considérés comme des événements indésirables. Face à la maladie mentale, la dérive sécuritaire guette sans cesse et pourtant quelques services n’enferment pas, n’attachent pas et respectent l’humanité des malades…

LA PLACE DES PSYCHOLOGUES

Les psychologues ne sont présents en psychiatrie que depuis moins de soixante-dix ans3 et très présents depuis une cinquantaine d’années, lors de la mise en place de la psychiatrie de secteur. Ils ne sont pourtant reconnus comme parties prenantes du soin par les instances nationales que depuis peu, même s’ils ont pendant quelques années, autour de 1970, été représentés dans la Commission maladie mentale qui existait alors. Ils n’ont que depuis l’an dernier une place officielle au sein du Conseil national de santé mentale (Cnsm) et du Copil psychiatrie, nouvellement créés. Ils ne sont nommément désignés par le Code de la santé publique (Csp)4 comme des acteurs de la mise en oeuvre de la politique de santé mentale que depuis la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016. Cette nouvelle place faite officiellement aux psychologues est importante pour la profession mais elle n’est pas si évidente au quotidien. En effet, notre autonomie professionnelle n’est pas moins attaquée au fur et à mesure que notre place s’affirme. L’altérité du psychologue dérange. Quel est donc ce soignant, ce professionnel de la santé psychique qui n’est pas un professionnel de santé ? Nous verrons au fil des articles de ce dossier que les psychologues – leur pratique en témoigne – peuvent être réellement inscrits dans le personnel soignant sans pour autant être assimilés aux professionnels de santé auxiliaires des médecins. Au quotidien, psychologues, psychiatres, infirmiers et autres soignants de psychiatrie peuvent tout à fait se retrouver dans un réel partenariat au sein d’équipes soignantes ou entre services de psychiatrie et praticiens en libéral. Je peux en témoigner. Pourtant, au niveau de l’organisation de la santé mentale, de la psychiatrie ou de la santé publique française, l’autonomie du psychologue semble impossible à admettre ! Tout reste organisé dans une dépendance au médical, paradigme jusqu’ici immuable de la santé, qui ne tolère aucune parole qui ne lui soit inféodée. Le pouvoir médical reste un pouvoir de droit quasi divin. Cela se passe comme si les médecins, ayant acquis leur droit d’exercice d’abord contre le clergé puis contre les exercices partiels de la médecine, ne toléraient d’aucune autre profession qu’elle acquière son indépendance vis-à-vis de la médecine ! Le combat pour une existence côte à côte du médecin et du psychologue est encore rude. Mais, parce que là où il y a une volonté il y a un chemin nous pouvons, à l’instar de nos collègues belges, obtenir cette reconnaissance5 et nous nous y employons.

AU FIL DES ARTICLES

Des psychologues, professionnels de la santé psychique, témoignent de leur engagement soignant dans le vaste champ de la psychiatrie. Cécile Tranier intervient auprès d’une patiente en Had6. Elle nous montre, avec la fée oxygène, combien son intervention de psychologue psychothérapeute combinée à celles des autres professionnels et de la famille permet de garder l’ouverture sur des possibles improbables en maintenant le lien symbolique pour Augustine et d’éviter la réduction de son être à des fonctions purement végétative. Aurélie Combaud, dans les fabriques de l’intime, nous emmène également au domicile du patient et s’interroge sur ce qui constitue alors le cadre du clinicien. Nous nous demanderons, avec elle, si le respect des symptômes d’un sujet et ses désirs n’est pas ce qui permet au psychologue de faire face aux angoisses du réel, y compris dans la grande proximité induite par une intervention à domicile. La contention et l’isolement participent depuis des siècles aux prises en charge en psychiatrie, mais sont-elles inhérentes à celles-ci, constituentelles un soin, fusse-t-il de dernier recours ou ne sont-elles que des pis-aller ? C’est la question que j’aborderai dans Contention et isolement ou contenance et rencontre. Les référentiels qui sous-tendent les attributions de budgets ne sont jamais totalement neutres et ils impactent forcément les pratiques. J’essaierai donc de vous présenter, en un court article, ce que je sais des projets de transformation des modes de financement de la psychiatrie et les questionnements que ces changements à venir m’inspirent. Pour sa part, Héloise Haliday s’interroge sur la place de la recherche en psychologie. Elle vient nous rappeler que [nous pouvons] certes [nous] réjouir de la diversité et de la singularité des pratiques, car elles sont aussi facteur de créativité dans les soins, mais [qu’] un problème subsiste : si une partie de la psychiatrie est bien en mutation, l’ensemble du champ de la santé mentale se bat contre une inertie qu’il est difficile de contrer sans une prise de conscience des dynamiques institutionnelles à l’oeuvre dans chaque territoire. Brigitte Aït-Aattou nous alerte sur la situation en pédopsychiatrie. Alors que les psychologues ont su se garder de devenir de simples auxiliaires médicaux pour conserver une position clinique, ils se demandent aujourd’hui comment continuer à créer, penser, être en mesure d’accueillir la souffrance et la violence que certaines angoisses les plus archaïques agissent en nous ? Elle souligne que, probablement ils glisseront vers le déni, la seule échappatoire quand il n’y a plus de transformations psychiques possibles.

Emilie Labeyrie est psychologue au sein d’une équipe mobile de psychiatrie précarité (Empp), un service psychiatrique dans la rue. Elle rencontre des personnes sans-abri présentant des troubles psychiatriques sévères et exclus du système de soin et des prises en charge sociales. Sa connaissance des conditions concrètes d’existence des personnes permet à l’équipe de mieux appréhender leurs besoins et de mieux comprendre leurs logiques. Elle s’interroge sur sa place de psychologue clinicien aux prises avec les réalités du terrain qu’elles soient organisationnelles ou institutionnelles. Au travers de la rencontre d’un homme d’une trentaine d’années, elle nous décrit la fonction d’interface entre les institutions sanitaires et sociales de l’Empp qui se déplace directement auprès du public afin d’inventer et de créer un espace de parole dans l’environnement choisi de la personne. Serge Raymond, psychologue hospitalier honoraire, dans un article modelé par l’expérience, très subjectif et révolté comme il sait l’être, se demande si la folie a sa place dans nos hôpitaux publics tels qu’ils sont conçus, et pensés. Il nous présente une psychologie de la folie qui nous fait côtoyer Henri Ey qu’il qualifie de premier psychologue et d’Hippocrate de la psychiatrie et le psychologue David Rosenhan, le pourfendeur du diagnostic psychiatrique. Il nous invite à rendre au corps psychique toute son autonomie. Nous terminerons enfin notre parcours avec Fabienne Raybaud qui nous fait rencontrer Hilal dans un lieu où, nous dit-elle, l’idée centrale de la thérapie institutionnelle, d’un milieu hospitalier comme facteur thérapeutique, croise le champ de la thérapie médicamenteuse et de ses effets secondaires, délétères. Elle nous montre combien la position clinique du psychologue à l’écoute du transfert permet une porosité entre le dedans et le dehors, le dépôt des dires du patient s’inscrivant dans la psyché du clinicien et venant momentanément faire confusion entre la réflexion, le discernement clinique et un ressenti qui arrive aussi soudainement qu’une effraction.

LES USAGERS DE LA PSYCHIATRIE

L’altérité du malade mental, du fou, est souvent déniée, même si, depuis quelques années, une place a été donnée aux usagers. La Fnapsy (Fédération Nationale des Association d’Usagers en Psychiatrie) et l’Unafam (Union Nationale des Amis et Familles de personnes Malades et/ ou handicapées psychique) sont reconnus et siègent dans les instances nationales mais d’autres associations comme le Crpa (Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie) restent à l’écart. Le partenariat avec des associations d’usagers et de familles a permis le développement de Groupes d’entraide mutuelle (Gem) qui représentent de nouveaux lieux de rencontres pour des personnes adultes en situation de handicap psychique. Ces nouveaux espaces à côté du soin viennent avantageusement compléter les lieux de prise en charge ambulatoire. La mise en place de ces Gem a été fortement portée par le concept de pair-aidant qui, passé son aspect particulièrement séduisant, a parfois montré ses limites conduisant les patients à plus de circonspection. D’autres associations comme le Réseau français sur l’entente de voix (Rev) ou schiz’osent-etre regroupent des personnes ne se considérant pas forcément comme malades et se prenant elles-mêmes en charge. Elles permettent aux personnes qui les fréquentent d’être vraiment sujet, acteur direct de leur vie et pas objet d’un soin décidé par d’autres.

SOIN PSYCHIATRIQUE OU SOIN PSYCHIQUE

La psychiatrie du XXIe siècle restera-t-elle un soin des symptômes, ne sera-t-elle qu’une simple compensation du handicap psychique ou continuera-telle l’évolution que certains ont permis en se centrant sur la souffrance psychologique, sa prise en compte et l’écoute des personnes et de leurs façons d’apprendre ensemble et avec des soignants centrés sur la compréhension de l’autre plus que sur une explication extérieure au sujet souffrant ? Eros et Thanatos s’affrontent entre les innovations fécondes et les répétitions mortifères. Voulons-nous une psychiatrie ouverte sur la vie ou mortellement recluse ? C’est bien in fine la question incontournable de l’ensemble de ce dossier.

Jacques Borgy, Psychologue clinicien Ce dimanche 28 janvier 2018

1 Alors que nous bouclons ce dossier, la ministre des Solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, vient d’annoncer, ce 26 janvier, la suppression du CNSM et son remplacement par un Comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie qu’elle présidera elle-même. Nous ne connaissons pas actuellement la composition de ce comité.
2 Un événement indésirable associé aux soins (EIAS) est un évènement inattendu qui perturbe ou retarde le processus de soin, ou impacte directement le patient dans sa santé. Cet évènement est consécutif aux actes de prévention, de diagnostic ou de traitement. Il s’écarte des résultats escomptés ou des attentes du soin et n’est pas lié à l’évolution naturelle de la maladie (HAS).
3 Premier service de psychologie créé à l’hôpital Saint Anne à Paris en 1949 par Jacques Perse.
4 CSP Art. L. 3221-1. La politique de santé mentale comprend des actions de prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de réinsertion sociale. Elle est mise en oeuvre par des acteurs diversifiés intervenant dans ces domaines, notamment les établissements de santé autorisés en psychiatrie, des médecins libéraux, des psychologues et l’ensemble des acteurs de la prévention, du logement, de l’hébergement et de l’insertion

5 En Belgique, le psychologue clinicien est reconnu dans le cadre du chapitre 1 de l’Arrêté royal n°78, à côté du médecin, du pharmacien et du dentiste, comme
prestataire de soins de santé autonome.
6 Hospitalisation à domicile