Ces dernières années ont vu fleurir des dispositifs, expérimentaux ou non, de remboursement de consultations de psychologues en libéral : CNAM-TS, Ecout’Emoi, Renforcement en psychologues dans les maisons de santé pluriprofessionnelles ; puis, dans le cadre de la crise sanitaire : PsyEnfantAdo, Chéque Psy Etudiant …
Emmanuel Macron, Président de la République, a annoncé lors des Assises de la Santé Mentale et de la Psychiatrie, la mise en place en 2022 d’un dispositif de remboursement « unifié » des psychologues en libéral. Après avoir été voté dans le cadre du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2022 (amendement n°2283), ce dispositif va se déployer en 2022[1], en appui sur un décret à paraître prochainement au Journal Officiel.
[1] https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-mentale/accompagnement-psychologique/article/vers-un-remboursement-des-seances-de-psychologues-en-2022
Concrètement, il s’agit du remboursement par l’Assurance maladie :
- Sur « adressage » d’un médecin
- De 8 séances « d’accompagnement psychologique » par an
- Pour des personnes de plus de 3 ans souffrant de « troubles psychiques d’intensité légère à modérée »
- Par des psychologues volontaires, qui seront sélectionnés, puis conventionnés
- Aux tarifs de 40 euros pour une première séance de bilan, puis 30 euros pour les séances de suivi, sans dépassement d’honoraires possibles
Psychologues en institution,
Vous pourriez croire que ces questions ne concernent que les psychologues pratiquant en libéral, mais ce serait une erreur ! VOUS ÊTES et SEREZ CONCERNÉS !
- Car c’est la conception de la profession de psychologue qui est en jeu :
- Refus de l’accès direct au psychologue : prescription médicale déguisée, paramédicalisation du psychologue
- Non-respect de l’autonomie du psychologue, pour l’ajustement du cadre de travail à chaque personne reçue
- Remise en cause de son ancrage dans les sciences humaines : la souffrance psychique n’est pas qu’une affaire de médecine !
- Sous-tarification qui implique travail à la chaîne et perte de qualité du travail du psychologue au détriment du public
Car le gouvernement refuse de consacrer des moyens aux postes de psychologues nécessaires en institutions publiques et apparentées (créations de postes, extensions de temps partiels…) pour accompagner gratuitement et de manière pluridisciplinaire les personnes qui en ont besoin, malgré des listes d’attente indécentes et l’accumulation de nos
- missions : services hospitaliers, CMP, secteur médico-social, mais aussi Education Nationale, services sociaux, PMI, ASE, domaine de l’insertion, missions locales, CHRS, travail auprès des personnes âgées, etc…
Autant de dispositifs qui permettent d’aller vers des personnes qui ne sont pas prêtes à une démarche de consultation en libéral, autant de dispositifs d’accompagnement pluridisciplinaire que le recours au libéral ne pourra pas remplacer !
Sans parler du refus du gouvernement de valoriser les postes de psychologues en institutions en se penchant sur la question des rémunérations…
- Car le risque de dérives dans le recours à la « sous-traitance » au libéral à la place de postes de psychologues en institutions est réel !
Si d’un point de vue clinique, il est intéressant que les personnes aient le choix, qu’elles puissent rencontrer un psychologue en institution ou en libéral en fonction de leur demande et du type de travail psychologique attendu, on ne peut que craindre que ces considérations soient supplantées par des questions d’économies budgétaires.
Le risque étant que sur le modèle du libéral, ne soient comptabilisés que les actes de consultations du psychologue, sans que soit pris en compte le travail en équipe pluridisciplinaire et institutionnel du psychologue, le temps de prise de recul, d’écrits, de formations, …
Ces tendances à la sous-traitance du travail du psychologue en institution à des psychologues libéraux sont déjà observées et dénoncées depuis plusieurs années dans des secteurs tels que les Missions Locales. Le SNP a également critiqué la mise sur le même plan dans la réforme de la tarification Serafin-Ph du travail du psychologue salarié, du psychologue vacataire ou en libéral [1].
[1] Serafin-Ph : L’avenir du médico-social ?, Commission Salariés du Privé, 2019-2020, Publications dans Psychologues et Psychologies, puis mise à disposition : https://psychologues.org/actualites-single/serafin-ph-lavenir-du-medico-social%E2%80%AF/
Face à ce risque d’ « uberisation des psychologues », nous appelons tous les psychologues, et notamment ceux en institution :
– à être extrêmement vigilants sur les dérives que l’on pourrait voir émerger
– à se tenir informés de ces dispositifs pour pouvoir défendre les spécificités du travail du psychologue en institution
– à rejoindre le SNP et la Commission Salariés du Privé pour partager les retours de terrain et travailler sur ces questions pour défendre la profession et un travail des psychologues respectueux et de qualité pour le public.
Commission Salariés du Privé
Com-sp@psychologues.org
Le 12 janvier 2022