Monsieur le Président de la République
Palais de l’Élysée
55 rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 Paris
Paris, le 29 Mai 2020,
Monsieur le Président de la République,
Vous avez évoqué la nécessité d’une refondation de notre système de santé et vous avez déjà apporté des éléments de reconnaissance du travail et de la place des personnels soignants au travers de primes qui vont être attribuées. Mais, pour paraphraser vos propos, le chantier ne s’arrête pas là et va au-delà : repenser notre organisation sanitaire et inclure l’ensemble des acteurs directs et indirects du soin.
Le Syndicat National des Psychologues souhaite particulièrement attirer votre attention sur deux constats que nous pouvons faire après avoir été des témoins transverses de la crise Covid-19.
1°) La centration sur l’hôpital, si elle est indispensable et non remise en question ici, a occulté le médico-social.
Il a ainsi fallu plusieurs semaines pour que la problématique spécifique des EHPAD soit prise en compte, laissant les soignants livrés à eux-mêmes dans la prise en charge des personnes âgées. La situation des EHPAD est révélatrice de la caractéristique même du secteur médico-social où le concept de soin s’applique au sens de la définition de l’OMS : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladies et ou d’infirmités ». L’accompagnement et la relation sont au cœur de cette prise en charge, contrairement à l’approche médicale centrée sur le curatif.
Depuis la loi HPST, les agences régionales de santé recouvrent l’hôpital, l’ambulatoire et le médico-social. Pourtant, le sanitaire a prévalu sur la santé, ignorant hélas l’importance de tous les autres professionnels, dont les psychologues, intervenant dans la santé, habilités et compétents pour cet accompagnement. On ne guérit pas de la vieillesse, ni du handicap, mais on apprend à vivre avec, le plus confortablement possible.
2°) Les psychologues s’inscrivent principalement dans ce second registre : l’accompagnement et le relationnel. Que ce soit auprès des usagers, des professionnels isolément ou en équipe, voire de l’institution elle-même, ils remplissent deux missions : accompagner le déploiement de la dimension psychique et traiter la souffrance psychique.
Notre profession, comme d’autres, s’est impliquée et a manifesté un élan solidaire notamment en proposant bénévolement des téléconsultations psychologiques. Unanimement, cette réponse a été jugée utile et a pu bénéficier à ceux qui en avaient besoin dans cette situation exceptionnelle.
Notre référence au secteur médico-social n’est évidemment pas fortuite car nous considérons qu’à l’instar de celui-ci, notre profession est ignorée, insuffisamment reconnue.
Bien sûr la psychologie a maintenant droit de cité, mais qu’en est-il des psychologues ? Quelques données factuelles sont révélatrices :
- La rémunération en début de carrière dans la fonction publique hospitalière est de 1828€ brut mensuel pour 5 ans d’études supérieures.
- La majorité des psychologues à l’hôpital ont un statut de contractuel, les précarisant ainsi de façon notoire.
- Tous secteurs d’activité confondus, le temps partiel est le cadre d’exercice habituel des psychologues. Mais pouvons-nous encore parler d’intervention psychologique quand celle-ci se résume parfois à 3 heures par mois (notamment dans les EHPAD) ?
- Le champ de la santé au travail attend depuis trop longtemps des embauches suffisantes de psychologues.
- En libéral, les expérimentations sur la prise en charge d’un soutien psychologique de ces dernières années ont fixé un « remboursement » à hauteur de 22 € pour une consultation de 45 minutes à une heure. L’intervention psychologique apparaît comme une prestation incontournable, mais que dire devant un tel dénigrement du travail des psychologues ?
Monsieur le Président, si vous pensez que les psychologues ont leur place dans notre système de soins et plus largement dans notre société, nous souhaitons que cela puisse se traduire dans les faits.
Juste avant la période de confinement, et avec la FFPP pendant le confinement, nous avons engagé un travail de réflexion avec le ministère de la santé (notamment avec le délégué ministériel Frank Bellivier et sa conseillère Marianne Perreau-Saussine) sur la place des psychologues dans le parcours de soins. De même le rapport IGAS paru le 7 février 2020 a ouvert une réflexion plus étendue notamment sur la réglementation du code de déontologie des psychologues et un allongement de leur formation.
Si nous souhaitons la poursuite de ces travaux, nous souhaitons aussi qu’une nouvelle façon de travailler avec les psychologues puisse émaner de l’administration. En désignant des interlocuteurs inter-ministériels, vous permettriez, Monsieur le Président, que nous puissions enfin aborder les problématiques qui traversent l’ensemble de la profession (champ de la santé, du travail, de l’éducation, de la justice…) de façon globale et cohérente.
Nous vous demandons aussi d’être associés aux travaux du plan Ségur qui s’ouvre ces jours-ci et duquel nous sommes à ce jour exclus.
Vos prédécesseurs n’ont pas cru utile, au-delà de mesures ponctuelles, de traiter sur le fond la question des psychologues en France. Nous comptons sur vous pour une reconnaissance pleine et entière de la profession.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de nos respectueuses salutations.
Pour le Syndicat National des Psychologues,
La secrétaire générale, Annie Combet
Copie à Monsieur Edouard Philippe, Premier Ministre et Monsieur Olivier Véran, Ministre des solidarités et de la santé.